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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/178

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inférieure, par le jeu des muscles du visage, c’est bien de la physiognomonie. C’est sans doute imprimer un mouvement à la science que de rééditer Gall et Lavater, mais un mouvement de recul.

Rajeunissant, si l’on veut, mais copiant, en définitive, les procédés des phrénologues et des physiognomonistes, les anthropologues se sont exposés à la même mésaventure : on s’est donné le malin plaisir de faire ressortir leurs contradictions. L’assassin serait « brachycéphale » et le voleur « dolichocéphale ; » l’assassin aurait le nez crochu et le voleur l’aurait retroussé ; mais alors, demande le docteur Dubuisson, comment se fait-il que la plupart des criminels débutent par le vol et finissent par l’assassinat ? Le voleur change-t-il de nez en devenant assassin ? Le criminel est grand et lourd, dit Lombroso : ni grand ni lourd, répliquent Thomson en Angleterre, Virgilio en Italie. La capacité crânienne du criminel est inférieure, dit Lombroso ; égale ou supérieure, répliquent Bordier, Heger, Wiesback, Ranke, etc. Ferri lui-même révèle que l’homicide a le bras plus long en Piémont, en Vénétie, en Emilie, en Romagne, en Calabre, plus court en Lombardie et en Sicile, tantôt plus long et tantôt plus court dans les Marches et dans la Napolitaine : singulier type, car enfin qu’est-ce qu’un type, sinon un ensemble de caractères qui permet de distinguer soit un groupe, soit un individu d’un autre groupe et d’un autre individu ? Cependant le docteur Marro, qui s’est proposé spécialement de décrire cet ensemble de caractères dans ses caratteri dei delinquenti et s’est livré, dans cette vue, à des investigations nouvelles, donne tort à tous ceux qui l’ont précédé dans la carrière. S’agit-il de la taille ? Il a découvert une supériorité de taille chez l’homme normal dans les statures élevées, mais seulement dans les statures élevées, puis remarqué que la supériorité du délinquant, générale jusqu’à vingt ans, s’arrête à cet âge où il devient égal ou même inférieur à l’homme normal. Lombroso et Ferri croyaient pouvoir affirmer que les criminels l’emportent sur les hommes normaux par la longueur des bras : il arrive à des conclusions opposées. Lombroso attribuait des mains plus courtes aux auteurs de violences, de coups et de meurtres ; il leur donne des mains plus longues. Lombroso classait parmi les anomalies ataviques des criminels le front fuyant et les sinus frontaux ; il a rencontré plus de fronts fuyans chez les normaux que chez les délinquans et met à peu près sur le même plan, quant aux sinus frontaux, les uns et les autres. La même divergence éclate lorsqu’il s’agit des crânes pointus, des oreilles à anse, du strabisme, des déviations du nez, de l’asymétrie faciale