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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/408

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quatre élémens. « Il s’agit de l’extirper. — « Nous voulons vous faire participer à cette œuvre, très fidèles chrétiens, et nous vous ordonnons d’envoyer sans délai à Tours deux hommes d’une foi robuste, qui au nom de vos communautés nous assistent dans les mesures qu’il sera opportun de prendre. »

Clément V eut peur ; il renoua avec Philippe, revint aux tentatives de conciliation de 1307, non sans appeler à son secours toutes les temporisations de la subtilité cléricale, dernière ressource de sa faiblesse. On convint, dans une seconde entrevue qui eut lieu à Poitiers en mai 1308, que les templiers, jusque-là placés sous la main du roi, seraient remis au pape, lequel en restituerait aussitôt la garde, au nom de l’église romaine, aux officiers royaux ; les biens seraient administrés par des commissaires appointés conjointement par le pape, les évêques diocésains et le roi. Quant aux crimes d’hérésie. Clément en distingua deux sortes : crime de l’ordre en tant qu’ordre ; crimes particuliers à chacun des membres de l’ordre. Le sort de l’ordre ne pouvait être réglé que par un concile général : un concile fut convoqué, dans la ville de Vienne, pour le mois d’octobre 1310, et plusieurs commissaires furent désignés, entre autres l’archevêque de Narbonne, les évêques de Bayeux, de Mende et de Limoges, pour recueillir des documens propres à éclairer cette assemblée. Le procès contre les personnes des templiers, distinct du procès contre l’ordre du Temple, devait être repris dans l’intervalle ; le pape en chargea les évêques diocésains et les inquisiteurs, auxquels il restitua leur autorité. Seuls le grand-maître et les hauts dignitaires furent réservés au jugement personnel du pape. La conclusion de ce pacte, qui a scellé le sort du Temple et des templiers, fut suivie d’une comédie assez odieuse. On amena devant le pape et le sacré-collège soixante-douze templiers extraits des prisons de Paris, assouplis par la torture, triés parmi les lâches, prêts à persister dans leurs confessions. Il semble que Philippe, après avoir forcé Clément à se faire son complice, ait encore eu l’insolente prétention de le convaincre.

Les deux procès se poursuivirent aussitôt parallèlement, dans toute l’étendue de la chrétienté. Jusqu’au fond de l’Achaïe, des Baléares et de la Sardaigne, des cours épiscopales s’organisèrent pour examiner les personnes des templiers. L’épiscopat européen fut occupé à cette besogne depuis l’automne de 1308 jusqu’au printemps de 1310. Pendant ce temps, le procès contre l’ordre s’ouvrit. Le 9 août 1309, la commission pontificale, assemblée dans l’abbaye de Sainte-Geneviève de Paris, fit savoir qu’elle était constituée, et prête à recevoir en novembre les témoignages de tous.