Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ajoute qu’avec une hypocrisie qui redouble le mépris, l’ennemi furieux de Descartes, se cachant sous un nom d’emprunt, a renouvelé ses accusations et désigné de nouveau le grand philosophe aux bûchers des défenseurs de la foi.

Le livre publié sous le nom de Schoockius relève l’accusation avec une énergie indignée. Que le livre soit ou non du style de Voet, le recteur d’Utrecht l’a inspiré et revu. Personne à Utrecht ne l’ignorait alors ; l’entente avec Schoockius s’était faite devant seize témoins; tous les membres de l’Université, maîtres et élèves, avaient entre les mains le texte imprimé des thèses tant reprochées. La dispute publique, soutenue pendant trois jours, avait eu un grand retentissement: tout mensonge, toute interprétation infidèle aurait été une maladroite imprudence. Le livre raconte les faits et ajoute : « Est-ce là, ô race de Thersites, traiter quelqu’un d’athée ? »

En repoussant avec un tel accent, comme calomnie, une vérité connue dans ses détails de tous ceux qui l’entouraient, Voet aurait perdu l’estime de ses collègues.

Quelques années après, en 1651, puis en 1660 et 1661, en 1671 et en 1675, à l’âge de quatre-vingt-six ans, ils le choisissaient de nouveau pour recteur..

Comment répondre à ceux qui disent en le rapportant : Il dut ses élections à ses intrigues ?

L’attaque, dans le livre de Schoockius, succède à la défense, et l’auteur produit cette fois le rapprochement avec Vanini dont, pour rendre hommage à la vérité, il a voulu d’abord décharger Voet.

« Vanini se vantait de vaincre les athées ; c’est ce que fait Descartes. Vanini ruinait l’autorité des preuves vulgaires de l’existence de Dieu. C’est ce que fait Descartes. Il y substituait des argumens sans force. C’est ce que fait Descartes. Ce n’est donc pas injustice d’établir une comparaison entre Descartes et Vanini, justement brûlé à Toulouse. »

Voet, si la phrase est de lui, était assurément sincère. Pour lui, comme pour Pascal, les argumens métaphysiques de l’existence de Dieu sont dangereux et sans force. Ils peuvent conduire à l’athéisme le lecteur, fier d’en apercevoir une réfutation dans laquelle il se complaît. Quant à l’approbation donnée au supplice de l’hypocrite et débauché Napolitain, il ne faut pas oublier que les honnêtes gens, au XVIIe siècle, étaient loin d’avoir même horreur que nous pour le bûcher... des autres.

Fénelon écrivait: « Toute religion à part, il est bon par pure police de brûler ceux qui sèment une doctrine capable de renverser les bonnes mœurs et de troubler le genre humain. »

L’assimilation de Schoockius ne cache aucune intention perfide, on ne brûlait personne en Hollande.