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purent l’arrêter. Elle croyait se dévouer ainsi au salut de l’empire. Du moins, elle voulut s’assurer d’un époux obéissant et souple : « lie avait jeté les yeux d’abord sur un certain Dalassène, qu’elle écarta comme étant d’humeur trop indépendante ; puis sur un certain Artoclinès ; mais il était marié, et sa femme refusait d’imiter le dévoûment de celle de Romain Argyre. Enfin, le choix de Zoé s’arrêta sur Constantin Monomaque, qu’elle avait autrefois comblé de ses bienfaits, peut-être de ses faveurs les plus intimes, et que son second mari, sans doute dans un accès de jalousie, avait exilé. La Porphyrogénète courait sur ses soixante-cinq ans : son âge et ses mœurs la rendaient peu séduisante ; pour être empereur, Monomaque accepta sa main. Aussi dissolu que Zoé, il ne sut même pas garder les apparences. Il avait pour maîtresse une jeune veuve, de la noble famille des Skléros, qui l’avait suivi dans son exil. Il l’amena dans le palais, imposa sa présence à sa femme, la traita sur le même pied que celle-ci et entreprit de la déclarer Augusta. Une fois encore le peuple s’insurgea, en criant : « Nous ne voulons pas de la Sklérène pour impératrice ! Nous ne voulons pas qu’on fasse mourir pour elle nos mères les Porphyrogénètes ! » Zoé fut obligée de se montrer et de parler à la foule pour épargner à Monomaque et à sa maîtresse le sort du Calfat. Puis ce fut une barbare, une princesse des Alains, amenée comme otage à Constantinople, que le mari volage introduisit dans le palais, lui accordant un train royal et le titre d’Augusta. La fin seule de Constantin (1055) mit un terme à ses débordemens.

Dans l’intervalle, la vieille impératrice était morte. Le trône se trouva donc vacant. On y plaça l’autre fille de Constantin VIII, Théodora. Elle gouverna sagement, l’amour des Byzantins pour le sang royal lui rendant la tâche facile, décourageant les fauteurs de complots civils ou militaires. Elle avait soixante-quinze ans ; des moines lui prédisaient qu’elle vivrait jusqu’à cent ans ; mais ses eunuques, mieux au fait, reconnurent en elle les signes d’une fin prochaine. Ils la décidèrent à donner l’empire avec sa main à un vieillard nommé Michel Stratiotique. Ce fut une transmission du pouvoir plutôt qu’un mariage, car quelques jours après (1056) Théodora mourait. Avec elle finissait la race de Basile le Macédonien, qui, — durée inouïe dans les annales byzantines, — avait occupé le trône pendant cent quatre-vingt-neuf ans.

Cet aperçu de l’histoire du gynécée byzantin suffit à montrer combien l’influence des femmes sur les destinées de l’empire fut considérable à Constantinople ; elle le fut plus qu’en aucun autre pays chrétien ou musulman ; elle est un des caractères les plus saillans de l’histoire grecque au moyen âge. Combien de fois l’empire du grand Constantin n’a-t-il pas été gouverné par des