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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/133

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pas surprenant qu’elles puissent produire et vendre certains articles à meilleur marché que nous. Irons-nous encourager et sanctionner, en quelque sorte, par des élévations de tarifs, les exagérations dont le consommateur français est la première victime? Le problème ne sera pas résolu par le procédé trop commode d’un droit de douane.

Le mal est dans les mœurs, et non ailleurs. Si les pouvoirs publics opposent quelque fermeté aux supplications des puissans et aux injonctions des faibles, il n’est pas irrémédiable, car, après tout, la situation économique de notre pays, malgré les crises, malgré les difficultés de toute nature, peut se comparer avantageusement avec celle des autres nations. On dirait vraiment, à en- tendre les organes du protectionnisme, que nous sommes un peuple incapable, décadent, ruiné ; que nous allons déposer notre bilan ; que, si l’on n’y met pas bon ordre et sur l’heure, la France sera envahie, inondée, submergée par l’afflux des produits étrangers, réduite à l’état de jachère et de chômage. Il n’en est rien, fort heureusement. Depuis un demi-siècle, l’agriculture a réalisé de grands progrès, constatés par toutes les enquêtes et récompensés dans toutes les expositions. On a dû créer pour elle une décoration spéciale; la croix du Mérite agricole est sollicitée par nombre de candidats qui montrent les fermes bien tenues, les rendemens améliorés, l’élevage perfectionné. Quant à l’industrie, elle a brillé de tout son éclat lors de l’exposition universelle de 1889, en face des industries étrangères. Et l’on voudrait soutenir que, pour la lutte, la France n’est point suffisamment armée, qu’il lui faut un supplément de tarifs protecteurs, que le travail national est en péril ! Ce sont des exagérations, bonnes pour une plaidoirie, inacceptables dans un arrêt.


IV.

Que devient, dans cette discussion, l’intérêt du commerce extérieur? Le régime de la protection à outrance ne peut avoir pour effet que de le restreindre. Si l’on augmente les taxes à la frontière, c’est évidemment pour empêcher, ou tout au moins pour diminuer l’introduction des produits étrangers. La France a pourtant un besoin absolu d’un certain nombre de produits exotiques. Elle a besoin, sous peine de disette, d’un complément de denrées alimentaires. D’un autre côté, ses manufactures, après avoir approvisionné la consommation intérieure, ont un excédent de marchandises à vendre au dehors. Le commerce extérieur, beaucoup moins considérable que le commerce intérieur, n’en représente pas moins