un intérêt de premier ordre et d’incontestable nécessité. Il s’agit d’un échange annuel de plusieurs milliards. Gêner l’entrée de ce qui nous manque, c’est en même temps gêner la sortie de ce que nous produisons en excès : double préjudice. Opposer des obstacles à ceux des articles manufacturés que les étrangers fabriquent mieux ou à meilleur marché que nous, c’est courir le risque de provoquer des représailles contre ceux des articles (et ils sont les plus nombreux) pour lesquels nous sommes en possession d’une supériorité incontestée. Avec le commerce extérieur se confond l’intérêt de la marine, qui opère une partie des transports. Enfin, les relations internationales, ainsi établies par un échange réciproquement avantageux de marchandises et de services, sont généralement considérées, malgré de rudes déceptions, comme un gage de paix ; elles aident au progrès et à la civilisation ; elles procurent l’influence morale et politique à ceux des peuples qui savent les pratiquer avec le plus de succès. La France, à côté de l’Angleterre, y tient une grande place. C’est pour cela que tous nos gouvernemens se sont appliqués jusqu’ici à conclure ou à renouveler les traités de commerce.
Les protectionnistes n’ont garde de contester les avantages évidens du commerce extérieur, et un certain nombre d’entre eux désirent que l’on persiste, autant que possible, dans le système des traités, qui leur profite. Mais voyez ! disent-ils, presque tous les peuples rehaussent leurs tarifs de douane : l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Russie, la Suisse, les États-Unis nous repoussent à coups de surtaxes. Devons-nous rester inertes devant ce déchaînement ? Défendons-nous. La France jouerait un rôle de dupe si elle continuait à s’ouvrir libéralement à ceux qui lui ferment leurs portes. — Cet argument, extrait de la réciprocité, n’est que la réédition de la loi barbare : œil pour œil, dent pour dent. Ce n’est pas une recommandation. Avant de prendre un parti, les gens sérieux étudient non pas seulement ce que font les autres, mais surtout ce qui convient le mieux à leur intérêt. Qui sait si les nations dont on invoque l’exemple ne commettent pas une faute grave et ne se font pas tort à elles-mêmes ? Qui sait si leurs gouvernemens ne cèdent pas à des raisons politiques qui imposent momentanément à leur législation commerciale une orientation différente ? Ce que font les autres peut évidemment nuire à l’exportation française ; mais est-ce une raison pour aggraver ce préjudice en prenant des mesures que notre situation particulière n’exige pas, en augmentant, par notre propre tarif, le prix des subsistances et de tous les produits, et cela au moment même où les tarifs étrangers augmentent, par leurs surtaxes, le prix de revient de nos produits sur leurs marchés ?