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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/15

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le roi, qu’on critiquait vivement, même parmi les membres du ministère, cette faute incontestable du maréchal, il le fit taire avec ces paroles dédaigneuses : — « Je dois vous dire que ceux qui vous ont parlé du maréchal de Saxe de la façon que vous me marquez sont des gens jaloux ou mécontens de lui ; car autant que je puis juger des démarches qu’il a laites jusqu’ici, elles sont fort bonnes et très convenables aux circonstances où il a été[1]. »

C’était bien d’avouer une faute et de trouver un si bon avocat pour l’excuser, mais mieux valait encore la réparer, et c’est de quoi Maurice n’avait pas tardé un seul jour à s’occuper. Puisque ce n’était plus sur Maestricht, il fallait bien le reconnaître, qu’un nouveau coup pouvait être tenté, sa pensée s’était retournée immédiatement vers une autre place, celle de Berg-op-Zoom, située j’ai déjà eu l’occasion de le dire, à l’extrémité opposée de la frontière et dominant comme Maestricht une des entrées principales de la Hollande. Il ne pouvait songer à s’y transporter lui-même. Cumberland n’aurait pas manqué de l’y suivre avec toutes ses forces et une nouvelle course des deux armées à travers la Flandre n’aurait abouti qu’à recommencer le même jeu dans des conditions peut-être moins favorables. Il se borna donc à envoyer celui de ses lieutenans-généraux en qui il avait le plus de confiance, le comte de Lowendal, avec un des corps d’armée et tout le matériel d’un siège, en lui donnant l’ordre d’en commencer les opérations sans délai. De deux choses l’une alors, pensait-il : ou Cumberland, cédant aux instances des Hollandais, voudrait encore cette fois porter secours à la place attaquée, et laisserait Maestricht en prise, ou la garnison de Berg-op-Zoom, restée sans appui, serait bientôt réduite à capituler; une nouvelle démonstration de vigueur serait, dans tous les cas, ainsi faite, et la république, atteinte sur un de ses points les plus sensibles, se lasserait peut-être de servir toujours de quartier-général à la coalition.

En attendant, il restait en observation pour régler ses mouvemens sur ceux qu’il verrait opérer en face de lui. Un armistice de fait était établi ainsi entre les deux armées que séparaient seulement le cours du fleuve et une distance de quelques lieues, et cette situation dut se prolonger pendant quelques semaines. L’inaction, qui n’était pas du goût de Maurice, pesait encore davantage à Louis XV, obligé de séjourner dans le petit hameau et le méchant gîte de la Commanderie, loin de ses aises et de ses habitudes, et ne voulant pourtant pas s’éloigner sans rapporter à l’impatience du public de France quelque ombre d’espoir de paix. Fut-ce à lui, fut-ce au maréchal

  1. Frédéric à Chambrier, 18 juillet 1747. — Pol. Corr., t. V, p. 348.