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mais qui pour les femelles sont probablement des attributs de grande beauté. Touffes de poils sur la tête, longs poils aux oreilles, manchettes, colliers, avec des poils d’un bleu vif, d’un blanc argenté, ou d’une teinte orange éclatante, toutes les variétés s’observent. Presque toujours la femelle est totalement dépourvue de ces appareils d’ornementation. Cela prouve bien que ce sont des ornemens sexuels, qui assurent à ceux qui en sont les heureux possesseurs les faveurs marquées des femelles de leur espèce.

Les appétits amoureux, au moins chez les animaux qui ne vivent pas en domesticité, sont temporaires. Il y a, — pour les femelles plus encore que pour les mâles, — une période de rut pendant laquelle la passion amoureuse est très forte. Il faut que les petits nouveau-nés ne souffrent pas trop du froid ; et alors, selon la durée de la gestation, la saison des amours sera en janvier, février ou mars, pour que les petits viennent au monde dans les premiers jours de l’été. C’est là une règle générale, mais qui comporte beaucoup d’exceptions.

Quoi qu’il en soit, quand arrive le moment des amours, le mâle et la femelle changent d’allures : les plus timides deviennent hardis; les plus paresseux sont pris d’une activité dévorante. Nul effort ne les rebute; nul danger ne les épouvante. Les plus sauvages se hasardent aux endroits fréquentés par l’homme, s’ils espèrent y trouver l’amour qu’ils cherchent. C’est une fureur qui les possède.


C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.


La faim chasse le loup du bois, dit un vieux proverbe. Mais l’amour est une passion aussi puissante que la faim, et souvent, on voit les louves, en rut, approcher des fermes pour chercher les chiens qu’elles combattaient naguère, et que, dans quelques jours, quand leur ardeur amoureuse sera éteinte, elles combattront comme des ennemis implacables[1]. La domesticité ne parvient pas à faire disparaître la puissance de l’instinct sexuel. Les chattes, même les plus casanières, sont, au moment des amours, prises d’une étrange passion de vagabondage : il est presque impossible de les garder sous le toit hospitalier qu’elles habitaient. A moins qu’on ne les mette en cage, elles trompent la surveillance la plus attentive, et finissent par s’échapper. La transformation est extraordinaire.

  1. Pline raconte que nos ancêtres, les Gaulois, attachaient, en hiver, leurs chiennes dans les bois pour les croiser avec des loups.