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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/17

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avait toujours désiré la paix et la désirait encore et qu’elle ne voyait rien qui pût l’avancer avec autant de succès que de la traiter lui-même avec le duc de Cumberland par l’entremise du maréchal de Saxe et de moi ou de tout autre général que Son Altesse Révérendissime voudrait nommer ; qu’il serait bien glorieux pour Sa Majesté très Chrétienne aussi bien que pour Son Altesse Révérendissime que la paix se fit à la tête des deux armées, et que, si l’on pouvait s’accorder sur les principaux articles, les ministres feraient le reste. » Suivait la proposition déjà connue, mais renouvelée en termes assez vagues, de traiter sur le pied de la restitution réciproque des pays conquis, le seul engagement un peu précis étant la promesse de rendre les Pays-Bas dans l’état où ils étaient présentement. — « Au reste, était-il ajouté, on connaissait trop la droiture de Son Altesse Révérendissime pour lui proposer de traiter sans la participation de ses alliés ; mais on ne doutait point que tous ses alliés lui confiassent leurs intérêts et que l’inaction où, selon toute apparence, la position des deux armées les tiendrait peut-être deux mois, donnerait le temps à Son Altesse Révérendissime d’envoyer les courriers et de recevoir leur réponse et cependant on pourrait continuer les opérations de part et d’autre. »

Cumberland, qui n’était pas très fier des résultats de ses faits d’armes, accueillit avec une satisfaction visible la pensée d’être chargé de faire la paix, puisqu’il avait si médiocrement fait la guerre. Il répondit donc sans délai que la proposition du roi de France l’honorait infiniment et qu’il ne doutait pas que le roi son père y fût sensible autant que lui. Un courrier fut expédié sur-le-champ à Londres, et Ligonier dut rester auprès du prince pour attendre et rapporter la réponse. Maurice, en l’autorisant à séjourner au camp ennemi, lui écrivait : — « Je vois avec satisfaction que nos intentions sont dépouillées de tout l’artifice que les négociateurs mettent à leurs moindres démarches. Nos deux princes régleront plus de choses en une heure que des ministres en un mois. » — « La franchise, répliquait Ligonier, doit être inséparable des gens de guerre : il me semble qu’on peut espérer un heureux succès d’une affaire qui serait traitée entre deux grands princes[1]. »

La proposition, arrivée à Londres, causa un véritable émoi dans les conseils du roi George et fit éclater la sourde division qui y régnait déjà depuis quelque temps. Pour la première fois, les partisans de la paix qui, jusque-là, se bornaient à murmurer et à gémir

  1. Maurice à Ligonier, — Ligonier à Maurice, 7, 11, 13 juillet 1747. (Correspondance de Hollande. — Ministère des affaires étrangères.) — Pelham Administration, t. II, p. 308. — Journal de Marchemont ami de Chesterfield, t. II, p. 210.