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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/18

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tout bas, osèrent élever la voix. Ce qui leur prêta courage, ce fut que le roi, dont les sentimens belliqueux ne s’étaient jusque-là jamais démentis, se montrait très flatté des égards témoignés par le roi de France à son fils. De tous ses enfans, Cumberland était le plus chéri et il lui donnait en particulier la préférence sur son héritier, le prince de Galles, qui, suivant une tradition assez habituelle dans les maisons royales, s’entendait avec l’opposition parlementaire pour faire de la popularité à ses dépens. L’aîné s’étant prononcé publiquement pour la paix, ce serait, si on était réduit à la faire, un tour plaisant à lui jouer que d’en donner tout l’honneur au cadet. S’apercevant de cette complaisance paternelle, Pelham et bientôt Chesterfield lui-même montrèrent leurs sentimens à découvert. Des paroles d’une gravité inaccoutumée furent prononcées dans le sein du conseil. La situation militaire y fut peinte sous les couleurs les plus sombres. Les Autrichiens ne savaient se défendre nulle part, et les Hollandais, si Berg-op-Zoom succombait, seraient réduits à discrétion. Combien de temps l’Angleterre continuerait-elle à payer et à se battre pour tout le monde? On tenait la paix, pourquoi se refuser à la prendre? Elle serait moins bonne que celle qu’on aurait obtenue l’année précédente ; l’année prochaine, les conditions en seraient pires encore. L’opinion contraire fut soutenue avec une vivacité égale par le duc de Newcastle, qui voulait s’obstiner dans la lutte, et par lord Sandwich, qui, de passage à Londres, était admis à la délibération et ne se souciait nullement de céder, même à un prince, l’honneur de conduire la négociation. Le roi hésitait : le conseil était divisé : comme il arrive presque toujours en cas de partage, un moyen terme prévalut. On ne refusa pas de prêter l’oreille à la proposition, mais les termes en parurent trop vagues et on demanda des explications plus précises, en particulier sur l’établissement destiné à l’infant en Italie et sur le traitement réservé à la république de Gênes[1].

Les moyens dilatoires n’étaient pas du goût et n’allaient pas au tempérament de Maurice. Quand cette réponse évasive lui fut connue, il comprit tout de suite que tout serait manqué si on n’al- lait pas plus vite et plus franchement en besogne. Aussi, pendant qu’on lui préparait un mémoire plus détaillé sur le thème déjà rebattu des propositions françaises : — « Vous allez être surpris, écrivit-il à Ligonier, qu’après trois jours j’accouche d’une question. Son Altesse Révérendissime est-elle autorisée à traiter et à conclure, ou simplement ouïr des propositions? C’est un point qu’il faut

  1. Pelham Administration, t. II, p. 308-309. — D’Arneth, t. III, p. 42.