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Berne. Ainsi, disaient-ils, le gouvernement allemand, avec tout ce qu’il prétend accomplir, se borne à suivre pas à pas toutes les exigences de la démocratie socialiste.

Enfin, Guillaume II a fait naître des illusions et des espérances qu’il lui sera malaisé de satisfaire. Les dernières grèves d’Alsace ont éclaté au cri de « Vive l’empereur! » Beaucoup, parmi les grévistes, croyaient que l’État allait exproprier les patrons et se substituer à eux. Récemment, des ouvriers s’adressaient au souverain, le priant de faire élever leurs salaires. Les politiques du parti pensent qu’ils n’ont rien à perdre à voir Guillaume II s’engager dans une voie fatale où l’on ne peut ni s’arrêter, ni reculer. Ses discours témoignent d’une facilité de parole dangereuse chez un chef d’état, surtout en face de pareils adversaires, car elle le porte à promettre plus peut-être qu’il ne pourra tenir. Eux prendront tout ce qu’on leur donnera, exigeront toujours davantage et n’accorderont jamais rien.


VI. — LE CONGRÈS DE HALLE[1].

La loi de répression contre les socialistes, qui avait duré dix années, expirait le 1er octobre 1890. Malgré le peu de succès de sa politique intérieure, le prince de Bismarck, avec son tempérament de Junker ne perdait rien de sa foi en la force brutale. L’essai malheureux du Kulturkampf, le peu de succès de sa police, de ses juges, de ses reptiles, pour détruire en quelques années l’Église catholique, ne l’avait pas éclairé ; il pensait étouffer par les mêmes moyens la religion naissante à son berceau. Il demandait seulement qu’on lui accordât d’une façon permanente le droit d’expulsion. Après l’échec des élections, il ne pouvait songer à l’obtenir du nouveau Reichstag. Le prince mis de côté, on laissa tomber cette arme, qui n’avait été meurtrière que pour celui qui la maniait.

Pour le parti, quel triomphe! Des médailles commémoratives furent frappées en souvenir de cette victoire. On fêta le retour des compagnons bannis de Berlin dans des réunions fraternelles où l’on entonna le chant des Tisserands silésiens d’Henri Heine :


Maudit le dieu des riches! Maudit le roi des riches!
Nous tissons, nous tissons....
Vieille Allemagne, nous tissons ton linceul...


L’abandon de la loi d’exception créait au parti une situation

  1. Il n’a pas été publié de protocole du congrès de Halle. Nous nous sommes servis, pour cette partie de notre étude, des journaux allemands, et particulièrement du Vorwaerts, le principal organe du parti socialiste.