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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/24

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en règle qui ne pouvait manquer de traîner en longueur, puisque, l’investissement étant impossible, la porte restait ouverte indéfiniment à tous les secours. Pour commencer, le prince de Saxe Hildbourghausen avait fait soutenir la garnison par un renfort de dix-huit mille hommes, pendant que lui-même restait en dehors, pouvant sur tel point qui lui conviendrait inquiéter et paralyser les efforts de l’armée assiégeante.

Ce n’était pas même le plus grand danger auquel cette armée se trouvait exposée. Du moment où Maurice restait lui-même avec le gros de l’armée royale devant Maestricht, il avait dû se préoccuper de maintenir entre lui et l’important détachement confié à Lowendal des communications régulières. Mais de Maestricht à Berg-op-Zoom la distance était grande, et quoique des postes fussent placés pour garder les points principaux de cette longue ligne, elle pouvait cependant être coupée par une manœuvre imprévue et inaperçue de l’armée alliée : la position se trouverait alors renversée, et ce seraient les assaillans qui, tournés et restant en l’air, courraient risque de se voir à leur tour véritablement investis. C’est bien effectivement ce que tenta de faire le prince de Waldeck, qui, se séparant de Cumberland avec ses Hollandais, et arrivant par Bréda et Bois-le-Duc, vint se placer en face de l’extrémité gauche du camp français, avec l’intention évidente de le prendre à revers et de placer ainsi l’armée tout entière entre deux feux. Lowendal, averti à temps, courut à sa rencontre pour lui offrir la bataille qu’il n’osa pas accepter, et le fit ainsi heureusement reculer.

Mais l’essai manqué une première fois pouvait à tout moment être repris avec des forces plus considérables et un général plus entreprenant. Aussi une grande inquiétude se répandit, tant dans le corps d’armée menacé, qu’au quartier de troupes devant Maestricht, et bientôt dans l’entourage du roi. Ce sentiment, très naturel et jusqu’à un certain point fondé, s’exprima avec d’autant plus de vivacité que les ennemis de Maurice ne se firent pas faute de l’exploiter à plaisir, n’ayant garde de négliger une si belle occasion de le décrier dans l’esprit du prince. Effectivement, sa responsabilité était grande; car il avait décidé l’expédition à lui tout seul, sans prendre avis de personne, sur des renseignemens qui, à l’épreuve, se trouvaient insuffisans, et de plus (ce qui lui était peut-être reproché plus que toutes choses) il en avait confié l’exécution (au grand déplaisir de beaucoup de concurrens) à un étranger comme lui, son ami ou plutôt, disait-on, son favori. Un cri d’irritation et d’impatience assez général s’éleva : à tout moment on craignait, ou on feignait de craindre la nouvelle d’une catastrophe. Le siège durait déjà depuis plus de six semaines, sans aucun progrès sensible, à la grande satisfaction