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des alliés qui ne cachaient pas, ni à Londres ni à La Haye, leurs espérances et leur joie. Combien de temps allait-on rester l’arme au bras à attendre une issue fatale? L’affaire une fois si imprudemment engagée, il n’y avait plus, semblait-il, qu’un moyen d’en sortir : c’était que Maurice se transportât de sa personne avec toute l’armée à l’aide du lieutenant qu’il s’était choisi. Le conseil en fut donné de tant décotes et revint aux oreilles du roi sous tant de formes, que le maréchal de Noailles, toujours inquiet pour une renommée qui lui était chère, crut devoir faire part lui-même à Maurice de l’opinion commune en l’appuyant, bien que sous une forme amicale, avec beaucoup d’instance. « A tout prix, lui écrivait-il, le 17 août, il faut empêcher les ennemis de se placer entre l’armée du roi et celle de Lowendal... Rien n’égale maintenant l’importance du siège de Berg-op-Zoom… C’est la clé de la Hollande... Le roi y met un prix extrême, et un échec serait mortel. » En même temps, ce qui était plus grave, il en écrivait à Lowendal lui-même, en l’engageant à agir prudemment et à ne rien risquer si on ne lui envoyait pas tous les secours dont il aurait besoin. Lowendal, ému de cette insistance, quoique espérant toujours bien du succès final, se décida à écrire à Maurice pour le prier de se rapprocher afin d’être en mesure de lui tendre la main en cas de péril. Il est vrai qu’il faisait cette demande, à son corps défendant, moins, affirmait-il, pour assurer la communication qui est bien intéressante que pour faire taire les bavarderies d’une nation impatiente[1].

Rien ne pouvait causer à Maurice plus de contrariété que de telles instances; c’était en réalité le renversement de tout son plan et la preuve qu’il n’était compris par personne. Bien loin d’être surpris que tout ou partie des forces de l’armée ennemie se portât du côté de Berg-op-Zoom pour soutenir la résistance de la place, il avait prévu et au fond même peut-être désiré ce mouvement de la part de Cumberland lui-même, comme une diversion, qui lui permettrait de reprendre contre Maestricht la tentative à laquelle il n’avait renoncé qu’à regret. Et quant à la crainte de voir interrompre les communications avec le corps d’armée chargé du siège, il ne s’en inquiétait que médiocrement ; convaincu d’avance que Lowendal, dont l’intelligence et la résolution lui inspiraient une confiance entière, saurait se dégager à temps, en levant le siège, s’il était nécessaire et il lui avait même donné, on a lieu de le croire, des instructions pour ce cas[2].

  1. Le maréchal de Noailles à Maurice, 17 août. — Lowendal à Codère, secrétaire du maréchal, 20 août 1747. (Ministère de la guerre.) Noailles à Lowendal, 27 juillet et 19 août 1747. (Papiers de Mouchy.)
  2. Maurice, dans la lettre dont je vais citer un fragment, assurait que, si les ennemis marchaient au secours de la place, Lowendal pourrait se retirer sans courir le moindre risque. « C’est sur cette opinion, dit-il, que nous avons formé cette entreprise, moins pour l’objet de prendre cette place que pour opérer une diversion qui pût engager les ennemis à s’y porter en assez grand nombre pour nous donner le moyen de passer la Meuse et de faire le siège de Maestricht, auquel les raisons militaires nous prescrivent de donner la préférence. »