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la donner pour bonne, je dirai seulement, puisqu’il faut que je me justifie, que je ne suis pas assez persuadé qu’on puisse prendre Berg-op-Zoom pour être d’avis qu’on y mène mon maître pour recevoir an affront, que si Berg-op-Zoom peut se rendre, M. de Lowendal a suffisamment de quoi le faire capituler... que si nous quittons les positions où nous sommes actuellement, nous abandonnons à l’ennemi des subsistances immenses et que nous nous commettons à une excursion en France... Voilà ce que mes faibles lumières me font apercevoir. Au demeurant, on me permettra de prendre le parti que prennent les médecins qui cèdent toujours à l’avis de la consultation pour ne pas encourir de blâme[1]. »

Effectivement, faisant mine, au moins, de se soumettre à l’avis général, il offrit à Lowendal d’aller le trouver si véritablement, réflexion faite, son arrivée était jugée nécessaire. Mais dans l’intervalle, Lowendal, s’étant aperçu que ses travaux avançaient, sans rencontrer, de la part de la garnison de la ville mollement commandée, toute la résistance qu’on pouvait craindre. Rassuré aussi contre le danger d’une nouvelle attaque par l’attitude embarrassée de Waldeck (qui évidemment ne comptait pas être soutenu par le reste de l’armée alliée), il avait repris complètement confiance et ne craignit pas d’affirmer que les ressources dont il disposait lui suffiraient pour s’en tirer à son honneur, et même que le dénoûment ne se ferait pas attendre. — « Les communications fussent-elles interrompues, je puis, disait-il, m’en passer pendant huit jours et je ne pense pas que la prise de la ville aille au-delà. » — Puis, sentant bien qu’une assertion si décisive serait aisément taxée de présomption : — « Si vous saviez, ajoutait-il, combien je voudrais éviter d’être suffisant et de paraître trop en sécurité, vous verriez dans quel embarras je suis en vous exposant ce que je pense. Ce qu’il y a de certain, c’est que je tâcherai de ne faire aucune étourderie. Ma situation me permet de ne hasarder rien de douteux, et l’esprit de ma troupe me promet tout[2]. »

La confiance du valeureux Danois fut justifiée, et à quelques dates près, son calcul se trouva exact. Après huit jours de batterie de brèche, on fut en mesure de livrer l’assaut, le 16 septembre; moyennant un effort de quelques heures seulement, trois bataillons de grenadiers purent se ranger en ligne sur le rempart. En un instant, dit un récit du temps, le front de l’attaque fut garni des drapeaux du vainqueur. Toutes les troupes purent déboucher alors l’épée à la main, les premières venues ouvrant du dedans les

  1. Maurice au maréchal de Noailles, 17 août 1747. (Ministère de la guerre.)
  2. Lowendal au maréchal de Saxe, 31 août 1747. (Ministère de la guerre.)