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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/335

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causes principales de l’échec inouï subi par les républicains a été leur vote contre le free-coinage. Les partisans de cette mesure le leur avaient bien prédit au cours des débats. Vous voulez, leur disaient-ils, maintenir le privilège inique de l’or en faveur des banquiers. Vous proscrivez « le dollar de nos pères,» notre monnaie nationale depuis la fondation de la république. Le peuple, qui veut pour l’argent le même traitement que pour l’or, vous proscrira à son tour. Bientôt, vous ne reparaîtrez plus dans cette enceinte.

Le président de la puissante association agricole, the Farmers Alliance, qui se vante de disposer de 3 millions de voix, le colonel Polk, dans un discours récent attribuait la défaite des républicains à leur refus d’adopter le libre monnayage de l’argent[1].

On sait qu’un bill décrétant la frappe libre de l’argent a été voté récemment par le sénat, mais qu’il vient d’être repoussé par la chambre des députés. Quand même il serait adopté dans la prochaine session, le président y opposerait, dit-on, son veto, quoique la Tribune, organe assez fidèle de la « Maison-Blanche, » prétende qu’il se contentera de blâmer. Il faudrait voir alors s’il se trouverait dans chacune des deux chambres une majorité des deux tiers pour annuler ce veto. Le président aurait, d’ailleurs, à compter avec la pression de l’opinion publique. Le parti qui réclame le bimétallisme sans restriction avec frappe libre de l’or et de l’argent est fortement organisé. Outre la Farmer’s Alliance, si influente dans toute l’Union, il a un organe central à Washington, le National executive silver Comniittee, qui menace, si on ne fait pas droit à ce qu’il appelle la volonté du peuple, de convoquer une convention nationale à ce sujet. Jamais, on n’a vu la question

  1. Voici un extrait de ce discours qui montre clairement les idées qui dominent en ce moment aux États-Unis à ce sujet : « Nous savons que l’argent était l’étalon de valeur, lorsque Jefferson a formulé le programme du parti démocrate. Lorsque le parti républicain s’est formé et a grandi, l’argent était l’étalon, et les grands hommes d’état des deux partis n’ont jamais rêvé de n’avoir qu’un étalon d’or. Nous prétendons que nous avons autant de droit de porter notre argent à la monnaie et de le faire frapper que les détenteurs d’or. De plus, cela augmenterait le volume de la monnaie. Pour ces raisons et d’autres, le peuple réclame le libre monnayage de l’argent.
    « Le congrès a voté une loi plaçant dans les mains du secrétaire de la trésorerie le pouvoir de décider l’importance de la frappe. Nous avons combattu ce pouvoir arbitraire donné à un seul homme. Nous avons combattu le bill. Le congrès n’a pas fait attention à nous. »
    Le député Springer disait le 5 juin dernier, dans la chambre, en s’adressant aux républicains : « Vous voulez empêcher les représentans du peuple de mettre à exécution les volontés du peuple. Eh bien ! vos électeurs vous répudieront aux prochaines élections. » M. Mac-Kinley, l’auteur du fameux bill ultra-protectionniste, avait voté contre le free-coinage; il n’a pas été réélu.