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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/337

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généralisé, il assure la parité du change de pays à pays ; il procure au commerce un taux de l’escompte plus stable, ainsi que le démontre la comparaison des variations de ce taux à la Banque d’Angleterre et à la Banque de France ; même, au point de vue scientifique, il est préférable, car il fournit aux prix et aux échanges une base plus stable que l’or ou l’argent seul. Mais cette opinion, quoique admise aujourd’hui par beaucoup d’économistes et notamment par tous les professeurs d’économie politique d’Angleterre, est loin encore d’être assez puissante pour s’imposer aux gouvernemens européens.

Il se présente, d’ailleurs, certains obstacles pratiques à la réalisation de cet accord, que deux fois déjà l’Amérique est venue proposer à l’Europe aux conférences monétaires de Paris en 1878 et en 1881. Et d’abord, le rapport légal entre l’or et l’argent est de 1 à 16 aux États-Unis et de 1 à 15 1/2 en France, en Allemagne et dans la plupart des pays de notre continent. Il s’ensuit que, comme dans la période 1834 à 1873, tout l’argent accumulé dans l’Union viendrait affluer à nos hôtels des monnaies, ce qui ne serait pas toléré. Il faudrait donc que les États-Unis adoptassent le rapport français, avant que la France pût songer à reprendre la frappe libre de l’argent. Ils s’y préparent, m’écrit-on ; mais même dans ce cas, il se peut que la France hésite et veuille l’adhésion de l’Allemagne, de même que l’Allemagne voudra celle de l’Angleterre. La redoute à enlever est donc l’Angleterre. On y trouve, il est vrai, d’actifs et influens alliés dans une puissante Ligue bimétallique qui a pour président l’un des financiers les plus éminens de l’Europe, M. Henri Gibbs, directeur de la Banque d’Angleterre, et comme adhérens plus de cent membres de la chambre des communes et un grand nombre de ducs et de lords. Mais, contrairement à l’avis de cette figue, je ne crois pas que la récente politique monétaire de l’Amérique soit la plus propre à vaincre les résistances anglaises. Les maux dont se plaignent les Anglais et qui résultent de la dépréciation du métal argent : 100 millions de francs de perte annuelle pour le trésor indien ; perte pour tous ceux qui tirent un revenu quelconque de l’Inde ; primes d’exportation en faveur des producteurs indiens ; variations incessantes du change sur l’Asie ; ruine des fermiers et des propriétaires dans les trois royaumes, tous ces motifs qui pouvaient déterminer l’Angleterre à reprendre l’emploi simultané des deux métaux, définitivement abandonné après 1816 seulement, auront moins d’influence à mesure que l’argent se rapprochera de son ancienne valeur. Pour arriver au but que désire atteindre le congrès américain, il aurait fallu faire le contraire de ce qu’il a fait : vendre à Londres, et à tout prix, chaque mois, pour 2 millions de dollars d’argent, enlever à la Banque une somme égale d’or, provoquer ainsi le retour périodique