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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/374

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cet ordre des progrès nouveaux, aux applaudissemens unanimes.

Tous ces progrès, toute cette transformation de la vie, ne se sont pas accomplis, et ne continuent pas à s’accomplir chaque jour, au hasard et par accident : ce sont les fruits réfléchis de la science moderne. Et voilà pourquoi l’esprit public réclame chaque jour une part croissante de la science dans l’éducation publique. Cette part d’ailleurs n’est pas destinée seulement à profiter à la communauté; mais, par une conséquence forcée, elle profite tout d’abord aux individus, formés à la culture scientifique par l’enseignement secondaire, et auxquels elle ouvre chaque jour de nouvelles carrières professionnelles. Voilà pourquoi les familles réclament chaque jour une introduction croissante de la science dans l’éducation de leurs enfans.

Si la nécessité de la science dans l’enseignement secondaire est ainsi justifiée au point de vue matériel par les raisons les plus impérieuses, il ne faudrait pas croire, comme on l’a dit quelquefois, que la science soit peu propre à l’éducation intellectuelle et morale de l’individu et qu’elle ne puisse former, ni des esprits capables de conceptions élevées, ni de bons citoyens. L’accusation serait trop facile à retourner contre une éducation purement sophistique et rhétoricienne, fondée sur une culture exclusivement littéraire. Il n’est peut-être pas inutile d’entrer à cet égard dans quelques développemens et de montrer comment la science est véritablement, et à un degré éminent, éducatrice, aussi bien dans l’ordre moral et intellectuel que dans l’ordre matériel.

A cet égard, il existe dans la science deux directions répondant à des aptitudes distinctes, mais non contradictoires : la direction mathématique, essentiellement déductive et rationnelle, et la direction physique et naturaliste, fondée sur l’observation et l’expérimentation combinées avec le raisonnement. Toutes deux sont indispensables pour une bonne culture de l’esprit. Déjà Platon[1] faisait observer que la science des nombres, en obligeant l’homme à raisonner sur les nombres en soi et sur des vérités qui ne sont ni visibles, ni palpables, a la vertu d’élever l’âme. Les mathématiques donnent au jeune homme la claire notion de la démonstration et l’habituent à former de longues suites d’idées et de raisonnemens, méthodiquement enchaînés et soutenus par la certitude finale du résultat. Aussi a-t-on pu dire que celui qui n’a point fait de géométrie n’a pas le sentiment rigoureux de la certitude. Au point de vue purement moral, rien n’est plus propre que cette notion

  1. République, liv. VII.