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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/638

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est vrai, s’arrêtait à Poissy, comme celui de Passement. Il n’y a plus cinq ponts aujourd’hui, il y en a dix-sept, et on conçoit que l’inventeur de 1882 ait éprouvé, à les franchir, la même hésitation que son confrère de 1760. Mais on ne renonçait pas pour cela à atteindre Paris. Le projet se complétait par la construction d’un gigantesque escalier d’écluses qui eût élevé les navires jusqu’à la hauteur de la terrasse de Saint-Germain, d’où, par des ponts-canaux hardiment jetés, non-seulement au-dessus du fleuve, mais au-dessus des chemins de fer actuels, ils se seraient rendus dans de vastes bassins établis, soit à Gennevilliers, soit à Saint-Denis, à 16 mètres en contre-haut des berges du fleuve. La dépense, les difficultés d’ordre technique, firent reculer. L’année suivante, en 1883, le projet modifié se réduisait à un canal de 30 mètres de large, dans les parties droites, muni de deux barrages écluses, en vue de diminuer l’importance des déblais, mais s’arrêtant toujours à Poissy, sans pensée immédiate d’aller plus loin. On disait bien que Poissy n’est distant de Paris que de 18 kilomètres à vol d’oiseau. C’eût été d’un certain intérêt pour des pigeons voyageurs ; mais les marchandises, obligées quand même de faire soit 27 kilomètres par chemin de fer, soit 54 kilomètres en bateau, ne pouvaient guère être sensibles à une semblable considération, et l’éloignement de Paris restait une objection difficile à réfuter.

C’est alors qu’apparut, en 1887, le projet actuel.

Comme les précédens, il ne se préoccupe pas de la Seine maritime. Il laisse à d’autres le soin de l’améliorer et de l’entretenir. Son point de départ est Rouen, en amont du pont de Brouilly ; son point d’arrivée, Clichy, après un parcours de 185 kilom. 600, présentant, sur le développement de la Seine entre ces deux terminus, une économie de longueur d’environ 30 kilomètres. Ce raccourcissement est obtenu au moyen de deux dérivations ou coupures, déjà prévues dans le projet de Flachat : l’une à Tourville, tracée en courbe dans la presqu’île de Saint-Aubin ; l’autre à Sartrouville, à travers la plaine de Croissy, toutes deux taillées dans le calcaire, avec des parois qu’on annonce devoir être à peu près verticales.

Pour le surplus, le canal projeté reste dans la Seine. Mais ce n’est pas suivant cette ligne des plus grandes profondeurs, qu’on appelle thalweg, qu’il s’en empare. Ce chenal naturel a, en effet, des indexions trop brusques, des courbes trop raides pour pouvoir être franchies par des navires de grande dimension. On a admis que le canal ne devait pas avoir de courbes d’un rayon inférieur à 1,500 mètres, et le tracé a dû, pour se conformer à cette sujétion, serpenter dans la largeur du lit, allant d’une rive à l’autre,