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dont les élémens manquent absolument, mais pour nouer une sorte d’alliance entre quelques fractions discordantes d’un parlement, où chaque nationalité prête serment dans sa propre langue. Il a négocié avec les uns et les autres, avec les libéraux allemands que dirigent M. de Plener et M. Chlumecki, avec l’ancien président d’un cabinet fédéraliste, le comte Hohenwarth qui passe pour le chef de petits groupes, cléricaux, Slovènes, Croates, Roumains de la Bukovine, puis avec les Polonais de Galicie qui sont ses plus utiles auxiliaires. Il comptait, en réunissant ces élémens, neutraliser les jeunes Tchèques qui arrivent au Reichsrath fiers de leurs succès, impatiens de revendiquer leurs droits nationaux, de défendre la cause de l’autonomie bohème. Malheureusement tout a manqué. Quelle sera réellement l’influence des jeunes Tchèques, quel sera même leur système de conduite dans le nouveau parlement ? On ne le sait pas encore. Toujours est-il que le comte Taaffe a échoué dans ses tentatives pour se créer contre eux, ou à défaut de l’appui qu’il a perdu de ce côté, un semblant de majorité. M. de Plener a récemment annoncé la rupture des négociations. Le comte Taaffe reste seul contre l’opposition qui prépare ses armes pour le combattre. L’adroit premier ministre n’en paraît pas découragé. Il se flatte toujours de triompher des divisions parlementaires. Il est d’autant plus disposé à l’optimisme qu’il ne manque pas de flatteurs qui font de lui un nouveau Metternich, presque le Bismarck du parlement autrichien. Il laisse dire et, pour faciliter sa tâche, il se propose d’écarter tout ce qui pourrait enflammer les passions, les questions de nationalité ou de confession religieuse. Il s’est tracé un programme de lois économiques et financières, de réformes pratiques dont le discours impérial est à peu près l’expression. Le comte Taaffe a la confiance de l’empereur et son habileté : c’est une force, sans doute, un premier gage de succès. Cette politique de subterfuge et d’évasion pourrait ne pas suffire dans un moment où l’Autriche a bien des affaires sérieuses, — et ses relations commerciales avec l’Allemagne et les affaires des Balkans.

A la vérité, depuis quelque temps, on ne parlait plus de ces petits états des Balkans qui ont si souvent et si inutilement occupé la diplomatie. Il y avait entre les cabinets, à ce qu’il semble, une sorte d’accord pour éviter les explications délicates, lorsque la Bulgarie a réveillé l’attention de l’Europe en rappelant une fois de plus que tout est resté en suspens, que tout est encore révolutionnaire à Sofia et à Philippopoli, dans cette principauté que le traité de Berlin a créée et qui s’est placée elle-même en dehors du droit diplomatique. Deux incidens ont contribué à raviver la question. Il y a quelques jours à peine, le 5 avril, expirait le mandat temporaire que la Porte a accordé autrefois pour la Roumélie au prince Alexandre de Battenberg, alors régnant en Bulgarie, et qui a passé depuis au prince Ferdinand de Cobourg, élu