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les appliquait avec précision, rigueur et minutie, « est déclaré loi générale de l’empire[1]. »

Contre cette doctrine et cette pratique, point d’opposans en France ; Napoléon compte bien n’en pas rencontrer, surtout parmi ses prélats. Gallican, avant 1789, tout le clergé l’était, plus ou moins, par éducation et tradition, par intérêt ou par amour-propre ; or, ce sont les survivans de ce clergé qui fournissent le nouveau personnel ecclésiastique, et, des deux groupes distincts dans lesquels il se recrute, aucun n’est prédisposé par ses antécédens à devenir ultramontain. Les uns, qui ont émigré, partisans de l’ancien régime, acceptent sans difficulté ce retour aux anciennes pratiques et doctrines, le protectorat autoritaire de l’État sur l’Église, l’ingérence de l’empereur substituée à celle du roi, et Napoléon, en ceci comme dans le reste, successeur légitime ou légitimé des Bourbons. Les autres, qui ont juré la constitution civile du clergé, schismatiques, excommuniés, impénitens, et, malgré le pape, réintégrés par le Premier Consul[2] dans l’Église, sont mal disposés pour le pape, leur principal adversaire, et bien disposés pour le Premier Consul, leur unique patron. C’est pourquoi « les chefs[3] du clergé catholique, c’est-à-dire les évêques et les grands-vicaires,.. sont attachés au gouvernement ; » ce sont des gens « éclairés, » on peut leur faire entendre raison. « Mais nous avons 3,000 ou 4,000 curés ou vicaires, enfans de l’ignorance et dangereux par leur fanatisme et leurs passions. » A ceux-là et à leurs supérieurs, s’ils ont quelque velléité d’indiscipline, on tiendra la bride haute. Ayant mal parlé du gouvernement dans sa chaire de Saint-Roch, le prêtre Fournier est arrêté par la police, mis à Bicêtre comme fou, et le Premier Consul répond au clergé parisien qui vient le réclamer par « une pétition très bien faite : » — « J’ai[4] voulu vous prouver que, si je mettais mon bonnet de travers, il faudrait bien que les prêtres obéissent à la puissance civile. » De temps en temps, un coup de main rude sert d’exemple et maintient dans le droit chemin les indociles

  1. Décret du 25 février 1810. (L’édit de Louis XIV y est adjoint.) Défense d’enseigner ou d’écrire « aucune chose contraire à la doctrine contenue » dans la déclaration du clergé français. Tout professeur de théologie la souscrira et « se soumettra à enseigner la doctrine qui y est expliquée. » — Dans les maisons où il y a plusieurs professeurs, « l’un d’eux sera chargé tous les ans d’enseigner ladite doctrine. » — Dans les collèges où il n’y a qu’un professeur, « il sera obligé de l’enseigner l’une des trois années consécutives. » — Les professeurs seront tenus de présenter à l’autorité compétente « les écrits qu’ils dicteront à leurs écoliers. » — Nul ne pourra devenir « licencié, tant en théologie qu’en droit canon, ni être reçu docteur, qu’après avoir soutenu ladite doctrine dans une de ses thèses. »
  2. Cf. pour les détails, d’Haussonville, I, p. 200 et suiv.
  3. Pelet de La Lozère, p. 205. (Paroles de Napoléon, 4 février 1804).
  4. Thibaudeau, p. 157 (2 messidor an X).