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qui seraient tentés de s’en écarter. A Bayonne, à propos d’un mandement où se trouve une phrase malsonnante, « le grand-vicaire[1] qui a rédigé le mandement est envoyé à Pignerol pour dix ans, et, je crois, l’évêque exilé. » — A Séez, où les prêtres constitutionnels sont en défaveur, l’évêque est forcé de se démettre à l’instant même, et l’abbé Legallois, son principal conseiller, saisi par les gendarmes, conduit à Paris de brigade en brigade, est enfermé à la Force, au secret, sur la paille, pendant onze jours, puis emprisonné à Vincennes pendant neuf mois, tant qu’enfin, atteint de paralysie, il est transféré dans une maison de santé, où il reste détenu jusqu’à la fin du règne.

Pourvoyons à l’avenir comme au présent, et, par-delà le clergé actuel, dressons le clergé futur. A cela les séminaires serviront : « Il faut[2]… en organiser de publics pour qu’il ne s’en forme pas de clandestins, tels que ceux qui existent déjà dans les départemens du Calvados, du Morbihan et dans plusieurs autres,.. il ne faut pas abandonnera l’ignorance et au fanatisme le soin de former les jeunes prêtres… » — « Les écoles catholiques ont besoin de la surveillance du gouvernement. » — Il y en aura une aux frais de l’État, dans chaque arrondissement métropolitain, et « cette école spéciale sera sous la main de l’autorité. » — « Les directeurs et les professeurs seront nommés par le Premier Consul ; » on y mettra des hommes « instruits, dévoués au gouvernement et amis de la tolérance ; ils ne se borneront pas à professer la théologie, mais ils y joindront une sorte de philosophie et une honnête mondanité. » — Un futur curé, un prêtre qui conduit des laïques et vit dans le siècle, ne doit pas être un moine, un homme de l’autre monde, mais un homme de ce monde-ci, capable de s’y adapter, d’y faire son office avec mesure et discrétion, d’agréer l’établissement légal dans lequel il est compris, de ne point damner trop haut ses voisins protestans, juifs ou libres penseurs, d’être un membre utile de la société temporelle et un fidèle sujet du pouvoir civil ; qu’il soit catholique et pieux, mais dans les justes bornes ; ce qui lui est interdit, c’est d’être ultramontain ou bigot. — A cet effet, les précautions sont prises. Aucun séminariste ne devient sous-diacre sans l’autorisation du gouvernement, et chaque année la liste des ordinands que l’évêque adresse à Paris lui revient écourtée, réduite au-dessous du strict nécessaire[3]. Dès le commencement et en

  1. Rœderer, III, p. 535, 567.
  2. Pelet de La Lozère, p. 203. (Paroles de Napoléon, 4 février 1804.)— Loi du 14 mars 1804.
  3. Cf. t. I, liv. III, ch. I. (Lettres de Mgr Claude Simon, évêque de Grenoble, 18 avril 1809 et 6 octobre 1811.)