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qui étaient relatives aux évêchés de Saint-Brieuc, Bordeaux, Gand, Tournay, Troyes, Alpes-Maritimes… Mon intention est que vous ne me proposiez pour ces diocèses aucune exemption de service pour les conscrits, aucune nomination à des bourses, à des cures, à des canonicats. Vous me ferez un rapport sur les diocèses qu’il conviendrait de frapper de cette interdiction. » — Vers la fin, le gallicanisme de Bossuet ne lui suffit plus ; il le laissait enseigner à Saint-Sulpice, et M. Émery, directeur de la maison, était le prêtre de France qu’il estimait le plus, qu’il consultait le plus volontiers ; mais une lettre d’élève, imprudente, vient d’être interceptée ; ainsi l’esprit de la compagnie est mauvais. Ordre d’expulser le directeur et d’en installer « dès le surlendemain » un nouveau, ainsi que de nouveaux administrateurs, dont aucun ne sera sulpicien[1] : — « Prenez des mesures pour que cette congrégation soit dissoute… Je ne veux point de sulpiciens dans le séminaire de Paris[2]… Faites-moi connaître[3] quels sont les séminaires qui sont desservis par des sulpiciens, afin de les éloigner également de ces séminaires. » — Et que les séminaristes mal instruits par leurs maîtres ne s’avisent pas de pratiquer pour leur compte les doctrines fausses que l’État proscrit ; surtout qu’ils n’entreprennent jamais, comme ils font en Belgique, de désobéir au pouvoir civil pour obéir au pape et à leur évoque. À Tournay[4], tous ceux qui ont plus de dix-huit ans sont expédiés sur Magdebourg ; à Gand, les très jeunes ou impropres au service militaire sont mis à Sainte-Pélagie ; tous les autres, au nombre de 236, parmi eux 40 diacres ou sous-diacres, incorporés dans une brigade d’artillerie, partent pour Wesel, pays de marécages et de fièvres, où 50 meurent très vite de l’épidémie et de la contagion. — Toujours le même procédé terminal ; à l’abbé d’Astros, soupçonné d’avoir reçu et gardé une lettre du pape, Napoléon, menaçant, donnait cette consigne ecclésiastique : — « J’entends que l’on professe les libertés de

  1. Histoire de M. Emery, par l’abbé Élie Méric, II, p. 374. L’arrêté d’expulsion (13 juin 1810) finit par ces mots : « On doit s’emparer immédiatement de la maison qui pourrait être une propriété du domaine et que, du moins dans ce cas, on pourrait considérer comme une propriété publique, puisqu’elle appartiendrait à une congrégation. S’il est reconnu qu’elle est une propriété particulière de M. Émery ou de tout autre, on pourra en payer d’abord les loyers et la requérir ensuite, sauf indemnité, comme utile à un service public. » Ceci montre en plein l’esprit administratif et fiscal de l’État français, sa haute main toujours prête à s’abattre impérieusement sur chaque particulier, sur toute propriété particulière.
  2. Lettre de Napoléon, 8 octobre 1811.
  3. Lettre de Napoléon, 22 novembre 1811.
  4. D’Haussonville, V, p. 282. (Lettre de Napoléon, 14 août 1813, omise dans la Correspondance.) — Mémoires de M. X.., IV, p. 358.