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Quand la colonne liquide n’est pas très épaisse, le gaz la soulève et la lance en pluie fine dans l’atmosphère ; quand la masse liquide deviendra plus lourde, elle sera projetée tout entière en un jet compact qui durera quelques secondes et sera suivi d’un jet gazeux ; puis l’huile obstruera de nouveau le puits jusqu’à ce qu’elle soit encore projetée et ainsi de suite. L’intervalle qui s’écoule entre deux jets liquides successifs dépend naturellement de la pression atmosphérique et de l’abondance de la source ; le même phénomène se produirait si la fissure à gaz était placée au-dessous de la fissure à l’huile, et même si les deux fissures se trouvaient au même niveau. »

Nous n’avons pas l’intention d’exposer dans le détail les théories des chimistes contemporains sur l’origine du pétrole ; nous rappellerons seulement, après l’opinion qui attribue au pétrole une formation analogue à celle de la houille, celle de tous ceux qui concluent, de ce fait que la houille diffère essentiellement du pétrole, que l’histoire de ces deux substances est absolument différente. Les uns, comme les professeurs Engler de Carlsruhe et Hofer de Léoben, suivis par la majorité des savans américains, voient dans le pétrole un résultat de la décomposition en vase clos de restes d’animaux marins. La preuve en est, suivant eux, que le pétrole se rencontre dans les terrains d’où la mer s’est retirée et qu’elle couvrait autrefois. Mais cette remarque, parfaitement juste, confirme aussi bien la doctrine, légèrement modifiée, des partisans d’une origine végétale : les végétaux marins ont donné naissance aux hydrocarbures, tandis que les arbres et les fougères terrestres ont produit la houille. Pourquoi cette différence ? On ne l’a pas suffisamment expliqué jusqu’à ce jour. M. Berthelot, dans les Annales de physique et de chimie (1866, t. IX, p. 482), fait intervenir les métaux enfouis dans le sol ; sa théorie, fondée sur l’action de simple présence que peuvent jouer certains corps dans les combinaisons chimiques, n’a pas plu aux géologues de profession, et M. Crew la contredit très vivement. Dans l’état des choses, il est bien difficile de prévoir quelle sera la théorie victorieuse.

Les hypothèses purement physiques sont généralement moins incertaines ; il est facile, par exemple, de confirmer la théorie de M. Ludwig Nobel sur la pluralité actuelle des réservoirs pétrolifères, théorie déjà fondée sur la différence de composition chimique des divers pétroles caucasiens. En effet, s’il existait un réservoir commun, la profondeur du gisement devrait être à peu près partout la même dans la même région ; aucun puits ne pourrait être tari sans que toutes les sources voisines le fussent en même temps ; on ne pourrait creuser le sol à côté d’un puits fécond