adressait directement à Louis XVI pour lui demander de faire délibérer les trois ordres en sa présence sur la question de savoir s’ils devaient se séparer ou rester unis. C’eût été épargner à la royauté un grave échec. Il valait mieux à coup sûr aller au-devant d’une nécessité inéluctable que se la laisser imposer et arracher plus tard comme une concession faite de mauvaise grâce. En prenant tout de suite une résolution de cette nature, Louis XVI eût gagné en force morale tout ce qu’il devait perdre à bref délai, par une résistance inopportune suivie d’une capitulation humiliante. Dès le premier jour où Mirabeau siégeait dans l’assemblée, il y témoignait de son grand sens politique en indiquant la première mesure qu’il était nécessaire de prendre si l’on voulait conserver le bénéfice encore intact de la popularité. Il prévoyait sagement que toute opposition ou même toute hésitation sur ce point serait grosse de périls. Seulement il en était réduit pour exprimer sa pensée à un procédé incorrect qui lui laissait peu de chances de succès. Il se leva, en effet, pour lire son adresse lorsque les discours des ministres furent achevés ; mais le roi qui s’y attendait se leva en même temps et mit fin à la séance. Les cris de « Vive le roi ! » qui retentirent alors empêchèrent même que la tentative fût remarquée.
N’ayant pu se faire entendre, Mirabeau voulait au moins être lu. Le 5 mai 1789, il commençait la publication d’un journal politique indépendant, comme si les anciennes barrières avaient déjà disparu, comme si la liberté de la presse devait dater du jour même où se réunissaient les états-généraux. Il préjugeait la question avant qu’elle fût posée. Le gouvernement, qui ne laissait publier jusque-là que des feuilles privilégiées et censurées, répondit à la provocation en supprimant le premier numéro du journal. Redoublant d’audace, Mirabeau, dont les électeurs du tiers-état de Paris avaient pris la défense, transforma son journal en un compte-rendu de son mandat qu’il était bien difficile de supprimer. Comment interdire à un député de rendre des comptes à ses électeurs ? En prenant ainsi une attitude d’opposition, le député d’Aix avait bien soin de distinguer entre la personne du roi et celle de ses ministres. Au moment où il ménageait le moins ces derniers, il parlait du souverain avec toutes les formes du respect et de la reconnaissance.
Ce n’était pas chez lui une simple formule de politesse, un souvenir de ce qu’il devait aux traditions de ses ancêtres. C’était le fond de sa pensée politique. Il croyait fermement qu’au milieu d’une crise dont il avait compris tout de suite la gravité, la France ne pouvait être sauvée que par l’union de la nation et du