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pendant son sommeil à une jeune dame de Naudsworth. On prétend qu’il y réussit : il aurait eu la vision de la dame et lui serait apparu à elle-même comme un fantôme.

Deux sœurs se promenaient aux champs ; elles s’entendent appeler par leur nom : « Connie ! Marguerite ! » En même temps, leur frère s’écriait dans le délire de la fièvre : « Marguerite ! Connie ! Marguerite ! Connie ! Oh ! elles se promènent le long d’une haie et ne font pas attention à moi. » Ici, nous avons une hallucination réciproque. Dans d’autres cas, il y a des hallucinations collectives, où la même apparition est vue par plusieurs personnes.

On nous raconte aussi des histoires peu convaincantes : le révérend Godfrey, en se mettant au lit, désira, avec toute l’énergie de sa volonté et toute la concentration de sa pensée, apparaître au pied du lit de son amie Mme X… Il rêva qu’il l’avait en effet visitée et lui demanda si elle l’avait vu en rêve : « Oui. — Comment ? — Assis près de moi. » La même dame, la même nuit, se réveille et se lève pour prendre « quelque soda-water ; » en se retournant, elle aperçoit M. Godfrey debout sous la fenêtre. M. Keulemans, au milieu d’une occupation quelconque, aperçoit tout d’un coup en imagination un panier contenant cinq œufs, dont trois fort gros. Au lunch, il voit deux de ces œufs sur la table. Et il se trouve que sa nourrice avait placé cinq beaux œufs dans un panier pour les lui envoyer. Ces détails de home anglais sont amusans, mais est-il probable que l’extraordinaire se produise à propos de choses si ordinaires ?

Dans la majorité des apparitions, « l’agent » qui apparaissait était en proie à quelque grande crise, et dans le plus grand nombre de cas, c’était la crise suprême : la mort. Sur six cent soixante-neuf cas de « télépathie spontanée et involontaire, » quatre cents sont des cas de mort, en ce sens qu’il s’agissait d’un mal sérieux qui, en peu d’heures ou en peu de jours, s’est terminé par la mort. Ces cas sont aussi nombreux aussitôt après la mort qu’aussitôt avant. Il n’y a que 47 pour 100 des cas où il ait existé un lien de parenté entre les parties ; la consanguinité comme telle a donc peu d’influence ; c’est le lien d’affection qui constitue le rapport le plus étroit. D’autres fois, le rapport consiste en une simple similarité d’occupation mentale au moment de la vision. Dans neuf cas, il y eut une convention antérieure entre les parties, par laquelle celui qui mourrait le premier s’efforcerait de rendre sensible sa présence. Dans un des cas, un frère avait supplié son frère de lui apparaître ; dans un autre, raconté par miss Bird, l’auteur anglais de livres de voyages, il y avait eu promesse de la part de la personne qui mourut et apparut ensuite.