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Une hallucination est une perception à laquelle manque la base objective dont elle suggère la croyance, mais qui ne peut être reconnue comme étant sans base objective que par la réflexion distincte. Il faut se rappeler que, dans la perception même la plus véridique, il y a une construction de l’objet par nous-mêmes : voir une maison, ce n’est point demeurer passif, c’est réunir en un tout une multitude de signes séparés, c’est interpréter ces signes, c’est induire la réalité d’après des apparences, juger de la situation dans l’espace, dans le temps, etc. Percevoir, c’est donc toujours imaginer, ajouter par association des détails de toute sorte à l’esquisse incomplète que la réalité fournit et qui n’est qu’un point de repère. Dès lors, il suffit qu’une impression plus ou moins vague soit transmise télépathiquement pour constituer un point de repère et un centre d’association. L’impression devient une idée, l’idée entraîne une émotion, l’émotion donne le branle à l’imagination, qui construit une vision et l’objective : de là une hallucination, œuvre de celui qui l’éprouve, mais cependant provoquée par une impression qui s’est transmise d’un cerveau à un autre. Quand il y a des détails d’apparition qui n’ont pu être imaginés par les visionnaires, M. Gurney pense que le mourant, ayant lui-même dans son esprit, à l’état conscient ou subconscient, sa propre image, a pu en envoyer quelques traits et comme une esquisse en même temps que l’idée de lui-même et que l’impression de sa souffrance.

Jusqu’à présent, les faits de télépathie sont loin d’offrir une certitude scientifique. Il faut faire la part du hasard et des coïncidences fortuites, de l’exagération, du mensonge involontaire, des oublis, et même de ces hallucinations de la mémoire qui font que certaines personnes s’imaginent avoir vu ce qu’elles n’ont point vu. Mais la sympathie à distance et l’hyperacuité exceptionnelle des sens n’ont en soi rien de contraire aux données de la science. Il est possible qu’il y ait ou plutôt il est impossible qu’il n’y ait pas des modes de communication à travers l’espace qui nous sont encore inconnus. Un téléphone reproduit à une distance énorme les vibrations reçues de la voix ; on ne saurait nier a priori que certaines ondulations cérébrales ne puissent se transmettre au loin et produire un effet sensible sur des cerveaux particulièrement en sympathie.


VI

Si maintenant nous nous élevons à des considérations générales et philosophiques, — ce qui est le principal intérêt des récentes