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UNE
JEUNE FILLE DU XVIIIe SIÈCLE
D’APRÈS UNE CORRESPONDANCE INÉDITE

S’il est vrai, comme l’a dit Alexandre Vinet, que « la France est la Célimène de l’Europe, » jamais Célimène n’eut plus d’adorateurs que dans les années qui précédèrent la révolution. Catherine II et le grand Frédéric se font alors les disciples de nos philosophes et les attirent à leur cour; le français est parlé partout où règne quelque politesse, et l’on voit sans surprise l’Académie de Berlin proposer comme sujet de concours les causes de l’universalité de notre langue. Avec cette force d’expansion qui est un de ses privilèges, la France porte partout en Europe, sur les ailes de la prose de Voltaire, son esprit, ses idées et son sourire; mais, en retour, les pays voisins lui restituent parfois, dans des œuvres originales et neuves, une part de ce qu’ils ont reçu d’elle.

Parmi ces étrangers qui ont cultivé et honoré la littérature française au XVIIIe siècle, Sainte-Beuve, à qui rien n’échappait, a signalé avec une sorte de prédilection le spirituel auteur de Caliste. Durant un de ses séjours à Lausanne, l’attention du critique avait été attirée sur la séduisante figure de Mme de Charrière; un écrivain suisse, Eusèbe Gaullieur, « homme éclairé et sincèrement ami des lettres, » lui ayant communiqué la précieuse correspondance de Benjamin Constant avec cette femme distinguée, il en tira les articles publiés ici en 1844 et 1845.