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par le nouveau tarif. Ce n’est à tout prendre que 375 millions de marchandises sur un total de 6,250 millions de francs, soit un seizième.

Les industriels britanniques se rassurent par le raisonnement suivant : « A supposer que les nouveaux droits aient, dans la pratique, l’effet prohibitif qu’on a voulu leur donner, il faudra un long temps aux manufacturiers américains pour développer leurs industries au point de pouvoir suffire à la totalité des demandes de l’intérieur. Il y a, en outre, certaines classes de produits dont la fabrication ne serait pas rémunératrice si elle devait être limitée aux seuls besoins intérieurs. Nous produisons ces marchandises à très bon compte, parce que nous avons pour les écouler le marché du monde entier. Mais un manufacturier des États-Unis qui chercherait à les produire exclusivement pour le marché américain finirait par éprouver que, ses débouchés étant limités, il lui est impossible, même avec toute la protection que lui donne le tarif, de lutter victorieusement contre nous. »

L’élévation des droits sera en outre, dans la plupart des cas, neutralisée par la hausse des prix de toutes les marchandises protégées, résultat forcé de l’accroissement de salaires que réclameront les ouvriers comme part des bénéfices généraux de la protection, en sorte que les produits indigènes et étrangers se feront concurrence sur les marchés américains à peu près dans les mêmes termes qu’aujourd’hui.

Si le tarif produit toutefois, dans une certaine mesure, un effet prohibitif, il restera à l’industrie britannique à chercher une compensation dans l’ouverture de nouveaux débouchés. Le changement dans le courant des importations en amènera un parallèle dans celui des exportations. L’Amérique s’apercevra à ses dépens qu’en fermant ses portes aux marchandises étrangères, elle ferme également les marchés étrangers à ses propres produits. C’est là un résultat qui se produirait de lui-même, fatalement, sans qu’il soit besoin d’aucun recours à des combinaisons telles qu’une union douanière des principales nations de l’ancien monde.

Un sénateur américain, M. Daniels, avait déjà dit, au cours du débat sur le bill, l’an dernier, que, si les protectionnistes américains réussissaient dans leur projet de consigner, à la porte des États-Unis, les produits manufacturés anglais, les agriculteurs américains perdraient pour leurs produits le ticket of admission sur les marchés britanniques. C’est la même pensée qui faisait dire naguère à feu lord Granville dans une réunion du nord de l’Angleterre : « Le bill Mac-Kinley sera préjudiciable à la Grande-Bretagne, mais non dans la mesure où on l’a cru d’abord. Il sera bien