Mais il n’est pas de règle absolue, l’esprit souffle où il veut, et la grâce sauve tout. Il y eut dans l’histoire de l’art des époques bénies où, par une faveur du ciel, par une félicité d’inspiration, les fautes n’étaient que d’heureux péchés. Tels peintres du commencement de la renaissance ne refusaient rien à la curiosité de leur pinceau ; la nature nouvellement retrouvée enivrait leur cœur et leur génie, et ils multipliaient les accessoires pour le seul plaisir de peindre avec amour tout ce qu’ils voyaient. Voici dans une grande salle pavée de marbre une Vierge, qui, enveloppée d’un manteau rouge, les cheveux dénoués, tient l’enfant Jésus assis sur ses genoux et bénit de la main droite un donateur agenouillé. Au-dessus d’elle voltige un petit ange, qui lui apporte du ciel une couronne d’or, reluisante de pierreries. Par trois grandes baies en arcade, on aperçoit un jardin, des touffes de roses, de lis et de glaïeuls, des oiseaux, des paons qui se promènent, une terrasse crénelée où deux hommes causent ensemble : l’un s’appuie sur sa canne, l’autre, penché sur le parapet, regarde couler l’eau d’une rivière. Tous ces accessoires d’un goût exquis, précieux et charmant, d’un fini qui tient du prodige, n’ont aucun rapport avec le sujet, et pourtant le sujet y gagne. Le peintre n’a songé, semble-t-il, qu’à se satisfaire en les prodiguant, et il a réuni dans le même cadre deux tableaux qui n’ont rien de commun. Ici on se recueille et on rêve, là-bas on est tout entier au plaisir de vivre. Mais ce jardin fleuri, dont les habitans demeurent étrangers à la tête sacrée qui se célèbre tout près d’eux, en accroît le mystère. Une vierge enfanta un dieu, un ange s’apprête à la couronner, et personne ne le sait, ni les fleurs, ni les paons, ni le soleil, ni les hommes qui regardent couler l’eau des fleuves.
Jean van Eyck, qui ne cherchait peut-être que la variété, a trouvé le contraste, et qu’on le cherche ou qu’on le rencontre, le contraste est un puissant moyen d’accentuer le caractère. « Voilà un château et un site qui me plaisent ! s’écrie Duncan au moment d’entrer chez Macbeth. L’air m’y semble plus doux et plus parfumé qu’ailleurs. » Et Banquo lui fait remarquer d’innombrables nids d’hirondelles accrochés à toutes les saillies du mur. « Vous avez raison, dit-il à son roi ; j’ai observé que partout où s’établit et multiplie l’oiseau qui annonce le printemps et hante les clochers, on respire un air délicieux. » Ainsi va la vie : tout à l’heure Duncan ne sera plus, ce manoir si heureusement situé exhalera une odeur de trahison et de crime, et les hirondelles continueront d’annoncer le printemps et d’apporter des mouches à leurs petits. Sous un ciel sombre se dresse une colline noire ; on aperçoit au sommet le Christ crucifié entre deux larrons. La foule des curieux, accourue