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quittais Puerto-Real pour m’y rendre, le général, commandant la brigade, vint m’apporter l’ordre de faire reconnaître le fort de Matagorda. Ce fort se trouvait à l’extrémité de la presqu’île comprise entre le canal de Puerto-Real et l’embouchure du San-Pedro, à la pointe la plus voisine de Cadix. J’y envoyai aussitôt un capitaine en qui j’avais confiance, escorté de 50 hommes. Au retour, cet officier me rapporta que ce fort était occupé par des Anglais, qu’ils travaillaient à perfectionner ses défenses du côté de la terre, et qu’il avait vu des canons dans les embrasures. En effet, au jour, je fus m’en assurer par moi-même.

Lors de notre arrivée, le fort de Matagorda était occupé par des Espagnols. Ils l’avaient évacué presque aussitôt, en faisant sauter, comme je l’ai dit pour le fort Saint-Louis, les fronts qui battaient le goulet de la rade intérieure de Cadix, et en conservant intacte la gorge, c’est-à-dire ceux qui regardaient le Trocadero. Puisqu’il n’y avait plus personne, nous aurions pu nous y établir alors, sans la moindre perte, ou tout au moins faire sauter, à notre tour, ce qui nous faisait face. Nous avions négligé ces précautions élémentaires ; les Anglais avaient pris possession du fort de Matagorda, et, comme il se trouvait entre notre position du Trocadero et la future redoute Napoléon, de laquelle on espérait pouvoir bombarder Cadix, nous dûmes en entreprendre le siège.

Le 23, nous fûmes vivement canonnés par le vaisseau, le fort Matagorda et toute la flottille. Nous répondîmes à tout ce tapage avec deux mortiers de 12 pouces et deux obusiers qui produisirent peu d’effet. Le lendemain, nous reçûmes deux pièces de 24, qui furent mises en batterie devant le fort de Matagorda. Elles ouvrirent leur feu, mais elles ne tardèrent pas à être réduites au silence, la batterie étant complètement bouleversée.

Le 25 février, je retournai à Puerto-Real ; le roi Joseph y vint. Je commandai chez lui la garde d’honneur. Le roi me fit présent, à titre de souvenir, d’une belle bague en diamans.

Le 26, la brigade quitta Puerto-Real, pour être campée à son tour.

Nous fûmes campés près du moulin de Guera (la droite au San-Pedro), en face de Cadix et à moitié chemin du Trocadero.

Le 28, je montai la tranchée. L’ennemi lança du fort Puntalès des boulets rouges, des bombes incendiaires et des fusées à la congrève sur le Trocadero et sur notre camp. Il en voulait surtout à une flottille que nous avions organisée et qui stationnait dans le canal de Puerto-Real. Son intention était de l’incendier. Il ne réussit à mettre le feu nulle part. Le lendemain, pour se dédommager de cet insuccès, l’ennemi fit sur le Trocadero un feu si violent que