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fréquens et plus profonds, c’est qu’il est dans la nature de toute espèce de maladie de s’accroître et de s’aigrir par sa durée.

Le public a le droit d’être tenu au courant de toutes les réformes qu’on essaie d’introduire dans l’éducation : elles peuvent avoir de trop graves conséquences pour qu’on néglige de l’en informer. Sans doute, l’enfant n’est pas uniquement ce que le fait l’école ; dès qu’il en est sorti, ou même pendant qu’il y séjourne encore, il rencontre d’autres courans auxquels il ne peut résister et qui l’entraînent dans des directions contraires : on a souvent rappelé que les libres penseurs du XVIIIe siècle se sont formés dans les collèges des jésuites. Il n’en est pas moins vrai que la façon dont on élève la jeunesse peut exercer une grande influence sur l’avenir d’un pays. L’histoire le montre à chaque instant ; et, pour ne pas sortir du siècle dernier, je crois bien qu’on n’a pas assez fait la part qui revient à l’éducation dans les grands événemens qui en ont marqué la fin. La génération qui a fait la révolution française n’avait pas été bien élevée : on s’en aperçoit plus d’une fois à la manière dont elle parle et dont elle agit. Certes il y avait à reprendre dans l’éducation que donnaient les jésuites, mais ce fut bien pis quand on les eut chassés. Ce grand acte s’accomplit fort à la légère. Il ne semble pas qu’on se soit donné la peine de prévoir et de prévenir le désarroi que le départ de la compagnie allait jeter dans l’instruction de la jeunesse Quand les jésuites se furent dispersés, les villes, qui reprirent l’administration de leurs collèges, ne surent comment les remplacer. Les oratoriens et les doctrinaires n’étaient pas assez nombreux pour suffire à tout. On enrôla au hasard et en toute hâte quelques prêtres ou quelques laïcs qui avaient plus de bonne volonté que de savoir et ne s’étaient pas préparés à cette tâche. L’enseignement donné par ces maîtres improvisés ne pouvait pas avoir beaucoup de solidité et de profondeur : tout y était en surface. C’est là que les futurs orateurs des assemblées de la révolution s’imprégnèrent de rhétorique, qu’ils firent la connaissance de cette antiquité de convention, de ces Grecs et de ces Romains de théâtre, qui tiennent tant de place dans leurs discours. Il est bien fâcheux, non-seulement pour eux, mais pour nous, pour la grande œuvre qu’ils ont entreprise, pour l’état social qu’ils ont constitué, qu’on ne les ait pas nourris d’une littérature plus sévère et qu’on leur ait enseigné l’histoire avec si peu de critique. C’est ainsi que ces petites révolutions qui se font dans les écoles intéressent tout le monde et que, comme elles peuvent influer sur les affaires d’un pays, il est bon de les porter à la connaissance du public. Je vais donc essayer de dire aussi brièvement que je le pourrai ce que c’est que cet a enseignement moderne » qu’on vient d’instituer et comment on est arrivé à l’établir.