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La défense des principes et la satisfaction des animosités personnelles s’accordaient donc pour que, majorité ou minorité, le vote résultant de l’interpellation Colajanni dût être une manifestation assez imposante pour affaiblir le prestige du gouvernement. Et comme cette interpellation, tout en portant sur un acte de politique intérieure, touchait à la politique extérieure par les origines de cet acte, il s’ensuivait que le vote qu’elle provoquerait préjugerait nécessairement la question extérieure elle-même.

Ce plan, comme je viens de le dire, était très habile dans sa conception ; mais, pour réussir, il fallait qu’il ne le fût pas moins dans son exécution. Tout le succès dépendait du secret gardé jusqu’au moment même de l’ouverture de la discussion : faute de quoi le gouvernement pouvait provoquer en temps utile une interpellation venant se substituer complaisamment à celle de M. Cavallotti. Or, il est d’usage constant à la chambre de Monte-Citorio, et le règlement d’ailleurs est conforme à cet usage, qu’une interpellation qui se produit au cours d’une séance ne puisse altérer l’ordre du jour déjà établi. C’est seulement à l’ordre du jour du lendemain qu’elle peut venir.

Le secret fut bien gardé. La séance du 26 se passa sans qu’aucune autre demande d’interpellation se fût produite ; le coup de théâtre préparé par l’extrême gauche réussissait.

Le 27 juin, l’affluence des députés fut beaucoup plus grande qu’à l’ordinaire. Environ 400 présens, dont un dixième, 40 environ, d’extrême gauche. Chambre et tribunes, tout ce qui était dans la salle paraissait nerveux ; il y courait un de ces frémissemens qui sont précurseurs des séances émotionnantes. On assistait avec une impatience visible à l’expédition des questions qui précédaient les interpellations sur l’ordre du jour.

Enfin, M. Cavallotti a la parole pour développer son interpellation. Au milieu du silence général, il expose que, depuis le dépôt de sa demande d’interpellation sur la politique extérieure, un fait d’une grande gravité s’est produit : la violation du droit de réunion, par suite d’une décision du ministre de l’intérieur, fait ayant provoqué une demande d’interpellation spéciale de la part de M. Colajanni. D’après l’honorable chef de l’extrême gauche, ce fait soulève une question de principes qui doit passer avant toutes autres. En conséquence, il retire sa demande d’interpellation et cède son tour de parole à son collègue.

A peine a-t-il cessé de parler, que le président, M. Biancheri, au lieu de donner la parole à M. Colajanni sur la politique intérieure, donne lecture d’une demande d’interpellation de M. Brin sur la politique extérieure, communication dont M. di Rudini prend acte pour requérir que l’interpellation Brin soit développée immédiatement.