pouvoir gouverner, soutenu par le roi qu’il rassurait par sa modération autant que par son habileté, il mettait son zèle et son honneur à rester l’administrateur correct, impartial et sensé des affaires de la France. Ces affaires de toute nature ne tardaient pas à être aussi sérieuses que pressantes.
Une des premières où il se trouvait engagé et où il avait l’occasion de jouer son rôle de ministre dirigeant, c’était la question de la révolution espagnole, sur laquelle allaient délibérer à Vérone les puissances de l’Europe représentées par leurs souverains et leurs chanceliers. Les révolutions italiennes avaient passé comme des ombres, à Naples aussi bien qu’à Turin, vaincues et dispersées par l’intervention de l’Autriche, exécutrice des volontés de la sainte-alliance. La révolution espagnole survivait avec ses agitations, ses instabilités et ses menaces d’anarchie, avec ses conflits entre un roi astucieux, à demi captif, et les constitutionnels maîtres du pouvoir depuis deux ans. Sans être précisément une cause de trouble, elle avait cela d’inquiétant et d’irritant pour l’Europe d’être le dernier exemple d’un régime ne d’une insurrection militaire et populaire, de représenter une victoire de la sédition sur le droit des couronnes. Elle avait d’autant plus de gravité pour la Restauration qu’elle restait un foyer incandescent aux portes de la France; que le roi captif, si peu intéressant qu’il fût, était un Bourbon ; et que la révolution à Madrid, aux pieds des Pyrénées, pouvait être contagieuse. Pour l’Europe de la sainte-alliance, ce n’était qu’un intérêt général et vague de conservation sociale : pour la France de la Restauration, c’était un intérêt dynastique et même un intérêt national. Que sortirait-il du congrès qui allait se réunir à Vérone? Serait-ce la paix par une impuissance d’entente entre les cabinets? Serait-ce la guerre par une intervention européenne ou française? C’est ici que commence à Paris, entre les partis, dans le parlement, dans l’intérieur du gouvernement, un curieux imbroglio où M. de Villèle n’avait pas un rôle des plus aisés.
Pour les partis qui n’écoutaient que leurs instincts, la question était simple et facile. Les libéraux, tous les libéraux, depuis M. Royer-Collard jusqu’à M. de La Fayette, depuis M. de Sainte-Aulaire jusqu’à M. Manuel, combattaient la guerre, l’intervention, comme un attentat contre le droit des peuples, comme une iniquité arrogante, inutile ou périlleuse. Ils avaient le triste avantage de pouvoir évoquer, pour émouvoir l’opinion, les souvenirs lugubres de la guerre impériale. Les royalistes de passion ou de sentiment au contraire ne connaissaient ni obstacles, ni souvenirs importuns. Ils voyaient dans l’intervention un coup de fortune, une occasion merveilleuse de « replacer la France au rang des puissances militaires », de cimenter au feu l’alliance de la dynastie et de l’armée