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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/556

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royalistes excités et encouragés par l’avènement d’un prince objet de leurs vœux et de leurs espérances.

Quant au ministère ou à son chef, M. de Villèle, qui avait su habilement préparer et ménager cette transition de règne, qui la représentait, pour ainsi dire, il se trouvait avec tous les dehors d’un ascendant incontesté dans une situation délicate. M. de Villèle ne s’y trompait pas; il avait vu avec sagacité la crise invisible pour d’autres, et d’accord avec son ami Corbière, le fidèle complice de toutes ses résolutions, il avait décidé de quitter les affaires à la mort de Louis XVIII. Les deux ministres n’avaient cédé aux instances du nouveau roi que parce qu’ils craignaient que leur retraite, « sans motifs apparens, » ne fût mal comprise ou mal interprétée, qu’elle ne parût « compromettante pour la royauté elle-même.» Ils n’avaient pas voulu découvrir le roi dès ses premiers pas. « Nous résolûmes, ajoute M. de Villèle, d’attendre la première tentative qui serait faite pour introduire dans le ministère un courtisan donneur de conseils intimes. » S’ils avaient persisté dans leur résolution, ils quittaient le pouvoir en plein succès, laissant à d’autres la responsabilité d’une politique nouvelle. En restant ils s’exposaient à être entraînés, débordés par des passions qu’ils ne partageaient pas. Pour le moment, sans doute, M. de Villèle restait encore maître du pouvoir par la majorité dont il ne cessait de disposer, par la confiance du nouveau roi qui voyait en lui l’homme habile et heureux, par l’autorité qu’il avait gardée sur la masse royaliste. Le danger pour lui était dans une situation où, à défaut de l’appui d’un roi sage, auquel il pouvait pour ainsi dire s’adosser, qui lui prêtait sa force modératrice, il n’avait plus affaire qu’à un roi aimable, de volonté flottante, fidèle, il est vrai, dans ses amitiés, mais naïvement disposé à prendre ses illusions ou même sa piété pour de la politique. Il restait, si l’on me passe le mot, en l’air, il n’avait plus son équilibre. Et lui aussi, comme l’avait dit un jour l’intrépide et éloquent de Serre, il se flattait de « gouverner raisonnablement avec la droite. » Il ne voyait pas que s’il avait réussi à relever la fortune des royalistes, à les conduire dans l’opposition à la conquête et aux premières jouissances du pouvoir, il risquait de se trouver désarmé vis-à-vis d’un parti victorieux, impatient d’user et d’abuser de la domination.

Le malheur était que chez M. de Villèle le caractère n’égalait pas les lumières, que l’homme d’État ou même l’homme d’affaires se subordonnait à l’homme de parti. Par ses lumières, par la sagacité de son esprit, il voyait les fautes et les écueils ; il comprenait le danger des excès de politique, des prépotences cléricales. Il était étranger aux illusions et aux ostentations de cour. Un jour, au moment du sacre de Charles X, en rappelant la dissolution de la