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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/557

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maison du roi proclamée par le grand-maître des cérémonies à Reims, il écrit en homme de sens : « Je n’ai pu m’empêcher de penser combien ce serait un acte de bonne politique, de la part du successeur du feu roi, de ne point en reconstituer une semblable; combien avait désormais de dangers pour nos rois l’existence d’une cour aussi nombreuse, aussi dispendieuse, aussi fertile en prétentions; combien elle était en contradiction avec nos mœurs actuelles ; combien elle pouvait entraîner de compromissions pour le roi et la famille, surtout dans un pays comme le nôtre... » Il pensait ce jour-là en homme de son temps[1]. Par ses faiblesses de caractère ou ses engagemens de parti, il se prêtait à des représailles d’ancien régime, à des conseils de réaction surannée. Et c’est ainsi qu’après avoir dû le succès à une politique de modération habile, il se laissait engager par degrés dans une voie où il allait avoir à se disputer aux influences occultes, se croyant obligé pour vivre de donner des gages tour à tour à l’esprit sacerdotal, à l’esprit aristocratique ou à l’esprit de compression. Il déviait de sa propre pensée sans profit pour lui-même, sans profit pour la monarchie, au risque de raviver le feu des querelles mal éteintes et des passions mal apaisées. Il entrait en un mot dans cette carrière qui allait être marquée et par la loi du sacrilège, et par la proposition de rétablissement du droit d’aînesse, et par cette loi contre la presse qu’on appelait par dérision la « loi de justice et d’amour. » C’est pour le ministère Villèle, pendant trois années encore, l’ère des luttes malheureuses et d’une décadence agitée au milieu des divisions croissantes des partis et des émotions renaissantes de l’opinion.

Sans doute, tout n’avait pas dès l’abord une signification également menaçante dans la politique nouvelle. Lorsque M. de Villèle croyait devoir inaugurer le règne par l’indemnité des émigrés, il ne faisait que poursuivre un dessein de généreuse prévoyance et reprendre une œuvre laissée inachevée par Louis XVIII. On n’en pouvait encore rien conclure. C’était après tout une œuvre de réparation nationale et de paix sociale que les passions du jour pouvaient diffamer et travestir, que l’avenir devait justifier. La pensée, le système de réaction s’accentuait bien autrement dans une série

  1. M. de Villèle ne sentait pas moins vivement le danger des excès de dévotion du roi. Il écrivait un jour dans ses Notes à propos d’une procession où le roi se faisait suivre de toute sa cour : — « Le roi se livre trop à ces démonstrations religieuses au milieu d’une population travaillée contre lui... On l’a encore vu avec peine à la suite du clergé à la procession du 15 août. Il s’en est assuré et a bien senti le froid des dispositions du peuple de Paris. Cela l’a affecté. » — M. de Villèle avertissait parfois le roi avec sincérité « de l’effet produit par ces cérémonies. » Il n’obtenait rien de plus.