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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/579

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individuels et rien de plus. Dignitaires et curés jouissaient de leur douaire pour la vie, mais il leur était interdit, en tant que communauté constituée, de disposer de l’ensemble de cet avoir. L’Angleterre n’eût pas toléré une semblable mainmise sur le sol national et comme la création d’un nouvel état égal à l’autre en influence et en richesse, en attendant qu’il réussît à le dominer.

Ainsi, pendant la période historique qui va des monarques saxons et danois jusqu’à la réforme, la situation de l’Église semble nettement définie. Aucun texte ne l’autorise à s’attribuer un droit de possession aux biens dont on lui a concédé la jouissance. Bien plus, il n’y a pas trace de fédération organisée des privilèges et des forces du clergé. Les paroisses ont des revenus séparés, entièrement distincts les uns des autres. Elles sont, au point de vue financier, aussi autonomes, aussi maîtresses de leur gestion que la a corporation » d’une ville anglaise quelconque est, de nos jours, indépendante de celle de Londres ou de toute autre cité. Qu’il y eût union dans la foi et la discipline, cela est évident, mais l’accord n’allait pas plus loin. Chaque ecclésiastique était doublé d’un administrateur qui percevait, dépensait, réglait pour le compte de son vicariat ou de sa cure. £t cela était également vrai en ce qui touche les évêques. Qu’arriva-t-il, en conséquence, lors des luttes qui se terminèrent par l’établissement de la religion réformée? La législature de l’époque ne parut pas se douter qu’il pût y avoir, au-dessus ou à côté d’elle, une souveraineté supérieure à la sienne. Elle persista à considérer l’Église comme une institution nationale, s’alimentant à des sources qu’elle avait ouvertes elle-même, et persévéra dans cette manière de voir avec autant de liberté que s’il se fût agi de toucher à l’administration de la guerre ou de la marine. Il y eut si peu transfert légal et obligatoire des douaires de l’ancienne communauté spirituelle à la nouvelle, que l’État jugea à propos d’en faire passer une grande partie dans le domaine séculier. Puis, Edouard VI confia à une commission de prélats le soin de tracer le plan d’un service liturgique ; après quoi, le parlement lui-même décida que la dîme continuerait d’être exigible et que le produit en serait appliqué aux ministres du culte nouveau. Est-il besoin d’insister davantage? Ces réminiscences historiques prouvent suffisamment que les conformistes ne peuvent pas réclamer les douaires comme appartenant en propre à leur confession. Les représentans élus du royaume peuvent toujours les en dépouiller, et c’est à tort qu’ils crieraient, le cas échéant, à la spoliation et au sacrilège.

Ces conclusions, il est à peine besoin de le dire, ne sont pas acceptées par ceux dont elles menacent si directement les privilèges. L’Église d’Angleterre est volontiers belliqueuse; elle répond