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encore les deux diocèses sont séparés. Tout cela serait à merveille si on n’avait pas tenu dans l’ombre, involontairement sans doute, un détail significatif. Oui, la commission de 1836 avait, en effet, proposé la suppression de l’évêché de Bangor, mais comme elle entendait, en même temps, en fonder deux nouveaux en Angleterre, l’un à Manchester, l’autre à Ripon, et elle insinuait, dans son rapport, que pour subvenir aux frais de ces créations, on demanderait, en retour, aux Gallois un impôt de 10,000 livres sterling. Ceux-ci avaient jugé l’idée malheureuse; c’était encore une de ces combinaisons inventées pour les dépouiller adroitement de leur argent. Quoi! la fortune du pays, ainsi attirée hors des frontières, servirait à l’édification de ces cathédrales orgueilleuses dont les voûtes avaient autrefois retenti de si furieux cris de guerre contre leurs doctrines et leurs personnes? Non certes, il valait encore mieux garder Bangor, moins onéreux, à tout prendre, que le cadeau qu’on voulait leur faire.

Disons-le, ce n’est pas une des moindres considérations qui militent en faveur de la séparation que cette reconstitution ardemment souhaitée par les habitans de Galles des forces et des capitaux de leur terre natale. Au lieu que le produit d’un sol médiocrement fertile et d’une industrie qui n’a pas dit son dernier mot enrichisse une corporation qui ne rend à la communauté aucun service, c’est à l’agriculture, aux exploitations minières, aux essais et aux entreprises dont dépend la prospérité générale, qu’ils aspirent à consacrer leurs ressources; si liberté leur est rendue, ils n’oublieront pas, on peut en être certain, les ministres d’un culte qu’ils ont choisi et dont, au plus fort des tempêtes essuyées, ils n’ont pas cessé d’assurer l’entretien et de protéger l’indépendance. Mais au moins il ne s’agira que de contributions volontaires; on n’aura plus devant les yeux la perspective de l’impôt à échéance fixe, au profit d’adversaires qu’on aide à vivre, alors qu’on voudrait les voir disparaître. Sans doute, c’étaient là les préoccupations et les soucis qui hantaient le cerveau de ceux qui, les premiers, se sont insurgés contre l’église anglicane et ont donné à leur rébellion la forme qu’ils jugeaient la plus pratique, la plus propre à susciter des imitateurs. Dans l’été de 1886, une agitation s’élevait qui devait bientôt s’étendre à tout le pays. La déclaration de guerre à la dime (anti-tithewar) partait de Llanarmon-yn-Jal, pauvre village de 950 âmes perché dans les massifs montagneux du Denbighshire, à égale distance des villes de Mold et de Ruthin. Que s’était-il donc passé? Le printemps avait été désastreux, la moisson rien moins qu’abondante. Des pluies persistantes pourrissaient les céréales sur pied ; de tous côtes, sur la ferme comme sur la chaumière, s’étaient abattues sans relâche toutes les rigueurs d’un