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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/600

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constatations. Les premiers y ont vu, ils n’avaient pas tout à fait tort, la marque d’une puissance inébranlable et d’une prospérité à l’abri des plus redoutables assauts. Ils ont éprouvé pour la plus grande communauté religieuse du pays cette déférence innée, cette confiance sympathique qu’on accorde volontiers, en Grande-Bretagne, à tous ceux qui éblouissent le monde des splendeurs de leur situation financière. Quant aux seconds, ils n’ont pas regretté qu’on leur fît la partie si belle; ces révélations, cet aveu d’une opulence éclatante les ont mis à l’aise. Pouvaient-ils, de bonne foi, être tourmentés de scrupules à propos de leurs attaques à une corporation archi-millionnaire? Dans les chiffres que celle-ci plaçait sous leurs yeux, ne puisaient-ils pas plutôt un encouragement à poursuivre la campagne de séparation et à affranchir du joug du clergé les moins fortunés de ses tributaires?

Mais l’abandon, si pénible qu’il soit, d’une partie de leurs ressources ne suffirais pas à motiver la résistance des ministres anglicans. La somme annuelle de 6 millions de francs à laquelle il faudrait renoncer constitue à peine les 4 pour 100 de leur revenu; il est donc permis de croire que ce n’est pas uniquement d’une question d’argent qu’il s’agit. Les hommes qui du haut de leurs sièges épiscopaux représentent cette religion reformée dont l’influence et le prestige sont encore intacts, — ces hommes qui sont mêlés de si près à la vie intime de la nation qu’ils l’ont en quelque sorte façonnée à leur image, pourraient-ils voir sans colère qu’une fraction du royaume proclame, avec l’appui du parlement, leur règne fini, les écarte et les dépossède, donne au pays le signal funeste de l’indépendance ? L’Église ne s’y trompe pas ; le jour où les chambres britanniques auront consacré par leurs votes la légitimiié des griefs de Galles, c’est au cœur même de l’édifice que retentira le coup de pioche. En cessant d’en étayer les assises, les pouvoirs publics ébranleront infailliblement le bloc tout entier. Oui, on sait cela à Canterbury et à York et l’amertume des protestations qu’on élève démontre surabondamment de quelles craintes on est agité. C’est par les moyens les plus variés, les exhortations et les appels qu’on tente de barrer la route au mouvement qui se porte de plus en plus du côté de la principauté. Tantôt on invoque des argumens juridiques. On s’appuie sur la loi de 1891 qui a introduit dans le régime existant quelques modifications bienfaisantes[1]; mais on ne s’en tient pas toujours aux interprétations

  1. On fait valoir que la dîme n’est plus réclamée à la classe généralement besogneuse des fermiers et des locataires, mais bien au propriétaire, et qu’en frappant d’abord celui-ci, le législateur a diminué les risques de conflit; rien ne serait plus exact si les exploitations agricoles étaient toujours affermées, mais on n’en est plus à compter le nombre des petits agriculteurs qui résident dans leur propriété et qui en vivent. Pour ceux-là, la situation reste la même. Quant aux autres, c’est sous la forme très simple d’une augmentation de loyer qu’ils rembourseront l’impôt ainsi avancé par le possesseur de l’immeuble ou de la terre.