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d’autant plus grands que le retraite serait plus pauvre, et d’autant moindres, inversement, que le retraité serait plus riche. C’est sans déboursé spécial que les ouvriers supportent le poids des contributions indirectes et des impôts de consommation. Les 370 francs de retraite qui en seraient une restitution partielle auraient pour eux l’apparence d’un boni, d’une largesse et d’une bonne aubaine. L’aspect de la question change pour les contribuables payant des impôts directs, des patentes ou des taxes quelconques. Une proportionnalité équitable s’établirait naturellement, selon l’échelle des fortunes privées. A tout Français de cinquante-cinq ans qui verserait au fisc moins de 370 francs chaque année, la retraite apporterait une certaine recette. Avec 370 francs d’impôts directs, il y aurait compensation exacte. Quiconque acquitterait plus de 370 francs de contributions directes ou de patentes y mettrait du sien, et l’écart progressif entre le taux de la retraite et le chiffre des contributions des plus imposés deviendrait tel que pour eux la retraite perçue serait une quantité infinitésimale et négligeable. Le même raisonnement s’applique aux retraites des femmes.

Dans quelle mesure le bienfait de la restitution partielle de l’impôt sous forme de retraites dépasserait-il pour les hommes de cinquante-cinq ans le fardeau additionnel de l’impôt nécessairement augmenté? C’est un calcul délicat qu’il n’y a pas lieu d’entreprendre ici. Le système constituerait une sorte de tontine invisible, fonctionnant sans la création d’aucun capital que personne se crût fondé à réclamer. Tous contribueraient un peu afin que quelques-uns, à cinquante-cinq ans, pussent recevoir de l’État plus qu’ils ne lui auraient payé. La mortalité jouerait son rôle en faveur des survivans, qui toucheraient 370 francs de pension, tandis que l’accroissement des impôts annuels de l’ouvrier équivaudrait à peine au cinquième ou au sixième de cette somme. Enfin, pour les retraités des classes laborieuses, la charge serait latente et le profit palpable. Pour les propriétaires, les commerçans et les riches, l’aggravation serait évidente et onéreuse à des degrés logiques, mais sans lois d’exception et par la seule force des choses; voilà le point important.

Peut-on méconnaître en effet l’inestimable avantage de supprimer les catégories, toujours arbitraires, et d’éviter de cette façon les privilèges et les exclusions injustifiables? Ainsi, d’après les dispositions du projet ministériel, seront seuls admis comme participans « les ouvriers, employés, métayers ou domestiques de l’un et de l’autre sexe, jouissant de la qualité de Français, dont les ressources annuelles sont inférieures à 3,000 francs. » Assurément ce chiffre est très acceptable, puisque les combinaisons adoptées