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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/664

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à la moitié de la solde mensuelle et sous la condition expresse qu’elle fût dépensée dans le pays, soit une indemnité, une fois pour toutes, de quatre années de ladite pension; à quoi il convient d’ajouter que l’année militaire en Hollande n’était que de huit mois, chaque mois comptant pour quarante-cinq jours. Le jeune Macdonald pouvait-il accepter le premier terme de l’alternative, au risque de végéter, pauvre pensionnaire des Provinces-Unies ? Il préféra toucher l’indemnité et s’en revenir.

Il n’était plus rien, puisque la légion de Maillebois n’avait jamais eu d’existence officielle en France; il se trouva trop heureux de reprendre, comme si de rien n’était, l’échelle militaire par le premier échelon, non pas même avec une sous-lieutenance, mais comme cadet-gentilhomme, c’est-à-dire un peu moins qu’officier; ce fut ainsi qu’il entra au régiment irlandais de Dillon. Au bout de six mois il fut nommé sous-lieutenant de remplacement ; après six autres mois, titulaire. Dès lors il roula de garnison en garnison, toujours attentif au métier ; il se trouvait à Calais quand son père mourut, en 1788, à Sancerre. Au mois d’octobre 1791, il fut promu lieutenant, toujours au régiment de Dillon ; il venait de se marier. On était en pleine révolution, et bientôt survint la guerre.

Le général Beurnonville, qui le connaissait et l’appréciait, le fit nommer capitaine et le prit pour aide de camp ; mais il ne put le garder que deux mois, parce que Dumouriez, général en chef de l’armée du Nord, voulut l’avoir avec lui au même titre ; Beurnonville, dans l’intérêt de son protégé, l’engagea vivement à répondre à l’appel du général en chef. Ce fut un bon conseil, car en moins de cinq mois, Macdonald devint lieutenant-colonel; c’était le prix de sa belle conduite à la bataille de Jemmapes. Au commencement de l’hiver de 1793, il se trouvait en congé à Paris lorsque Beurnonville, devenu ministre de la guerre, le nomma colonel du régiment de Picardie; colonel à vingt-huit ans, et colonel de Picardie, le premier des quatre vieux corps, la tête de l’infanterie française! Il y avait, a-t-il dit lui-même, de quoi satisfaire l’ambition la plus effrénée ; mais la fortune allait lui devenir tout à coup moins souriante, et son sort, comme il a dit encore, ne tint, pendant un moment, qu’à un fil. Dumouriez, battu à Nerwinde, Dumouriez devenu suspect faillit l’entraîner dans sa chute, en même temps qu’il perdait l’appui de Beurnonville, livré aux Autrichiens par Dumouriez. Ce ne fut qu’un éclair; mais l’orage ne cessa pas de gronder sur sa tête avec des lueurs menaçantes. Des commissaires de la Convention se succédaient à Lille, tous avec des préventions contre le colonel de Picardie, tous excités par des dénonciations, des accusations, des animosités jalouses. Cependant il continuait son service, avec le même zèle, le même entrain et le même succès. Vint