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où tu étais, mon cher général, quand nous avons eu la bataille de Hohenlinden ; je me serais fait un plaisir de t’instruire de cet événement. J’avais prévu une partie des obstacles que tu éprouverais, mais je ne les aurais pas crus si considérables, et je présumais que tu aurais pu gagner la vallée de l’Adige, ce qui nous aurait été d’un grand avantage. Si tu étais resté dans nos eaux, l’armée du Rhin eût été facilement à Vienne; il m’aurait suffi de te renforcer de tout ce que j’ai laissé derrière moi pour boucher les trous du Tyrol, et tu aurais pu marcher avec facilité dans la vallée de la Drave où tu aurais couvert ma droite et fait la campagne d’Italie. On en a décidé autrement et je crois qu’on a mal fait. Nous avons fait un mal affreux à l’ennemi ; il en est actuellement à cent vingt pièces de canon, cinq généraux, trois ou quatre cents officiers, et environ dix-huit mille prisonniers ; son armée est dans un état de désorganisation complète. Le prince Charles vient d’en prendre le commandement; je crois qu’il se retirera derrière Saint-Pölten, à dix-huit lieues de poste de Vienne; sa gauche sera à Bruck. Si l’armée d’Italie va bien, je pourrai aller où on voudra; mais si elle n’a pas de succès, il faudra que je m’arrête pour assurer ma droite. Adieu, je t’embrasse et suis ton ami. »

Les obstacles que Moreau avait prévus pour Macdonald, sans les croire aussi considérables, étaient venus moins de l’opposition de l’ennemi que de la résistance de la nature. L’armée des Grisons avait eu à franchir le massif des Alpes Rhétiennes dans sa plus grande épaisseur, à travers les neiges, par-dessus les glaciers, sous la menace des avalanches; un escadron de dragons avait été ainsi entraîné, englouti tout entier dans l’abîme; beaucoup d’isolés avaient disparu ; mais il y avait tout autant de péril, sinon davantage, à reculer qu’à marcher en avant ; on marchait donc, Macdonald donnant l’exemple, en tête de la colonne. Enfin on atteignit le sommet du Splugen, on contourna le Tonal, puis on descendit par l’autre versant, jusque dans la vallée de l’Adige. Devant cette marche audacieuse, increvable, l’ennemi avait évacué le Vorarlberg et le Tyrol.

Après la conclusion de la paix à Lunéville, entre l’Autriche et la France, Macdonald, qui avait hiverné à Trente, ramenait son armée par la haute Italie, lorsque, chemin faisant, il reçut une nouvelle absolument inattendue ; il était nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Copenhague! Certes, si quel- qu’un était le moins fait pour la diplomatie, c’était lui assurément; une franchise souvent désespérante, un manque absolu de souplesse, aucun art de sourire et de feindre agréablement, en un mot le caractère le plus antidiplomatique. C’était au mois de mars 1801.