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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/679

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dans le procès de Moreau; « mais, dit-il, on reconnut apparemment que j’avais la conscience trop nette là-dessus, et on se borna à me surveiller, à épier toutes mes actions; du reste, on me laissa tranquille. » L’empire fait et proclamé, des maréchaux furent créés; naturellement il ne fut pas du nombre. « Il fallut, dit-il, me contenter de croire et de penser que j’avais mérité de figurer sur la liste; avec la fierté naturelle à mon caractère, jointe au sentiment que j’étais l’objet d’une injustice, je ne fis aucune démarche pour détruire de fausses préventions ; je m’en suis applaudi plus tard, les circonstances m’ayant assez favorisé pour arracher le bâton de maréchal à la pointe de mon épée, à la bataille de Wagram. « Cependant, lorsque fut instituée la Légion d’honneur, il fut, à sa grande surprise, nommé grand-officier : «Dans la position préventive où je me trouvais, dit-il, c’était en quelque sorte une faveur. »

Il venait d’acheter la terre de Courcelles ; il y vivait en campagnard, épris d’agriculture, suivant, en imagination, non sans regret, la course victorieuse des armées françaises, mais convaincu que la carrière des armes ne se rouvrirait plus jamais pour lui. Un certain jour du mois de mars 1807, il reçut tout à coup du ministre de la guerre l’avis qu’il était autorisé à se rendre à Naples pour y être à la disposition du roi Joseph. Autorisé? Comment? il n’avait jamais demandé cette autorisation, ni aucune autre. Des amis bien intentionnés sans doute, mais maladroits, l’avaient demandée ou fait demander, à son insu, par le roi de Naples ; en effet, il avait commandé par là, il pouvait donc y rendre de véritables services ; assurément, mais à quel titre? Non point comme général appelé à commander des troupes françaises, mais comme fonctionnaire ou général napolitain. « Mon sang frémit encore d’indignation, a-t-il écrit dans ses Souvenirs, et toutes mes facultés se soulèvent pendant que je trace ces lignes, en songeant à l’abaissement où je serais tombé, à la condition de commander des soldats napolitains ! Moi qui les combattis, les pulvérisai à Civita-Castellana, à Otricoli, et leur donnai le coup de grâce à Calvi, quoique, dans ces affaires, nous tussions moins d’un contre douze ou quinze! moi qui fus témoin de leur lâcheté, de leur déroute et de leur fuite! moi qui envahis leur territoire! je m’arrête... »

Deux ans après, au mois d’avril 1809, ce fut une autre dépêche, et s’il s’était senti justement offensé, une grande, une éclatante réparation, l’ordre de se rendre à l’armée d’Italie, à la disposition du prince Eugène, vice-roi et commandant en chef. Il courut à Paris; sans lui donner d’autre explication, le ministre lui montra le billet laconique de l’empereur : « Monsieur le duc de Feltre, donnez l’ordre au général Macdonald de se rendre en Italie où il