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recevra de nouveaux ordres du vice-roi; je lui saurai gré des services qu’il rendra. »

« Le grand besoin qu’on avait de généraux et d’officiers, par suite de guerres continues, a dit M. Thiers, obligeait de revenir à beaucoup de ceux qu’on avait négligés. Napoléon s’était prêté à ce qu’on envoyât au prince Eugène, pour lui servir de guide et de soutien, le général Macdonald, l’un des hommes les plus intrépides qui aient paru dans nos armées, expérimenté, manœuvrier, froid, sachant se faire obéir. » Ainsi, après cinq années d’inaction et de disgrâce, Macdonald voyait se rouvrir inopinément devant lui une carrière qu’il avait crue irrévocablement fermée.


IV.

Dès son arrivée en Italie, à Milan, Macdonald ne trouva que de mauvaises nouvelles; la campagne était à peine ouverte, et déjà le prince Eugène s’était laissé battre à Sacile ; l’archiduc Jean, le vaincu de Hohenlinden, venait de prendre contre lui sa revanche. De Milan à Vérone, Macdonald ne rencontra que gens affolés, incapables de lui donner quelque information précise. A Vérone, « tout était en confusion ; les blessés arrivaient en grand nombre ; des fuyards, des chevaux démontés, des charrettes, des fourgons, des équipages, se croisant, s’embarrassant dans les rues, encombrant les places, enfin le hideux spectacle d’une déroute. » Le vice-roi était encore à Vicence; il accueillit Macdonald avec effusion ; celui-ci le réconforta, lui conseilla de convoquer immédiatement les généraux dans lesquels il avait le plus de confiance : « Je les connais d’avance, répondit le prince; tenez, voyez, regardez; en voilà un qui se retire avec sa division ; il n’a pas pris part à l’action, et c’est l’un des plus pressés et qui tient le plus de mauvais propos. » C’était le général Lamarque. La réunion eut lieu, fâcheuse, désolante; Macdonald eut beau dire pour relever les cœurs, il fallut rétrograder jusqu’à l’Adige. Cependant l’archiduc ne profitait pas de sa victoire; sa marche lente, presque timide, donna du répit à l’armée française qui se refaisait, se réorganisait, réparait ses pertes.

Il y avait encore dans ses rangs beaucoup de soldats de l’ancienne armée de Naples ; ils avaient vu avec satisfaction l’arrivée de Macdonald, et la confiance qu’ils témoignaient gagna les camarades; mais à quel titre était-il dans cette armée? A vrai dire, il aurait dû y être le chef d’état-major général ; mais la fonction était occupée par le général Vignolle, un bon officier à qui le vice-roi aurait été désolé de faire de la peine. Le prince Eugène était bon, intelligent, très brave, mais sans expérience, effrayé de sa responsabilité