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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/776

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du Rhin depuis Coblentz jusqu’au-dessous d’Arnheim. L’empereur lui avait promis quatre-vingts bataillons et soixante escadrons; les journaux lui prêtaient un corps de 50 à 60,000 hommes; en réalité, quand il eut retiré de Hollande le faible détachement du général Molitor, dans les premiers jours de décembre, il en avait au plus 5,000. « C’est tout ce que nous avons d’infanterie de Nimègue à Coblentz, et rien derrière, écrivait-il ; nous sommes partout pris au dépourvu et je n’entends parler d’aucun renfort ; mais à Paris on est dans une sécurité désespérante. O France! ma patrie! tout mon sang, et sois sauvée!.. »

Après plusieurs essais et démonstrations plus ou moins sérieuses, les alliés passèrent définitivement le Rhin le 1er janvier 1814 ; l’empereur quitta Paris le 25, pour n’y plus revenir.

Refoulé de proche en proche par l’écrasante poussée de l’ennemi, Macdonald se trouvait alors à Châlons. Je ne veux pas le suivre dans ses marches, contremarches et combats à travers la Champagne, sur la Seine, l’Aube et la Marne ; j’en retiendrai seulement quelques faits significatifs. A la fin du mois de février, tandis que l’empereur arrêtait et faisait reculer Blücher, il avait donné à Macdonald le commandement général des troupes qu’il laissait derrière lui et mis sous ses ordres, avec le corps dont il était déjà titulaire, ceux du maréchal Oudinot et du général Gérard, soit 25,000 hommes; la mission qu’il lui confiait était d’observer et de contrarier, autant que possible, les mouvemens de la principale armée de la coalition. Arrivé à Troyes bien avant son corps, qui ne pouvait suivre que le lendemain, Macdonald fit des dispositions de défense : une des divisions de Gérard dans la ville, l’autre en-deçà, le corps d’Oudinot en réserve; Gérard avait pour instruction de tenir le plus longtemps possible. L’attaque eut lieu le lendemain 4 mars; Macdonald, qui était dans le faubourg, savait, par un rapport du général Gressot, chef d’état-major d’Oudinot, que les troupes étaient bien dans les positions indiquées, lorsque soudain un officier vint le prévenir que l’ennemi, ayant forcé la ville, arrivait dans le faubourg et qu’il n’y avait pas un moment à perdre ; le maréchal n’en voulut d’abord rien croire : « Toutes les troupes sont parties, lui dit l’officier. — Par quel ordre? » Il n’eut que le temps de monter à cheval et de courir, avec son escorte, sur les éclaireurs ennemis. Quand il eut rejoint la colonne, effectivement en retraite, il apprit du général Gérard que c’était sur l’ordre du maréchal Oudinot, et quand, arrivé le soir au bivouac, il demanda une explication à ce maréchal, dont le corps avait dû, selon les dispositions arrêtées, demeurer en réserve, il lui fut répondu que la jeune garde n’était pas faite pour être en arrière-garde! Ne semblerait-il pas, à cette