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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/784

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doivent donc tous passer, puisque c’est elle qui les fait présenter. A elle seule appartenant l’initiative, autant vaudrait un enregistrement; à nous de rester muets comme le ci-devant corps législatif; mais si j’ai bien compris les dispositions de la charte, elle laisse à chacun liberté d’opinion et de suffrage; j’ai cru voir une violation de son article 8, et j’ai usé de cette liberté comme je le ferai toujours avec conscience. » Le roi ne répliqua pas ; on sortit, le chancelier Dambray arrêta Macdonald au passage : « Mais, monsieur le maréchal, est-ce ainsi qu’on parle au roi? — Comment! est-ce que j’ai manqué à Sa Majesté? — Non pas précisément, mais il fallait mettre plus de formes, plus de mesure. — C’est-à-dire qu’il fallait voiler la vérité ou se repentir; non, je n’ai pas appris à calculer les courbes, et je plains le roi si on lui déguise ce qu’on doit lui apprendre. Quant à moi, je lui parlerai toujours avec franchise et le servirai de même. » Louis XVIII le bouda quelque temps, mais l’humeur passa; en parlant de Macdonald, il l’appelait « son très véridique. »

On ne sait guère que le maréchal fut un des inspirateurs de la future loi sur l’indemnité des émigrés; les événemens empêchèrent alors que la première proposition n’eût des suites.

Macdonald était gouverneur de la 21e division militaire à Bourges ; il venait d’en faire les honneurs au duc et à la duchesse d’Angoulême en tournée de voyage, lorsque, dans la nuit du 6 au 7 mars 1815, il reçut une dépêche lui enjoignant de se rendre immédiatement à Nîmes, et de diriger toutes ses troupes sur Villefranche (Rhône) ; point d’explication. Il n’eut le mot de l’énigme que vingt-quatre heures après, par un rapport de l’un de ses subordonnés qui parlait du débarquement de Napoléon. « Cette nouvelle, dit-il, me confondit, et je prévis dès lors les malheurs qui sont venus fondre sur la France. » Il partageait les ressentimens de l’ancienne armée ; il était de cœur avec elle ; il blâmait les fautes du gouvernement ; mais il avait prêté serment à Louis XVIII et il était résolu à lui rester fidèle. Entre ses sympathies et sa conscience, il n’eut pas un moment d’hésitation ; il alla droit au devoir.

Il prit la route de Lyon ; à Fougues, il rejoignit le duc d’Orléans qui suivait, à une journée de distance, le comte d’Artois, Monsieur, envoyé à Lyon pour prendre le commandement des troupes. Monsieur s’y trouva dès l’abord fort embarrassé ; le péril crevait les yeux; la garnison, la population étaient ouvertement bonapartistes. Macdonald arriva, le 9 mars, à dix heures du soir; heureux de retenir un pareil auxiliaire. Monsieur lui dit que les routes étant interceptées, il fallait qu’il restât près de lui et qu’il exerçât le commandement avec les pouvoirs les plus étendus. La nuit fut employée à donner des ordres, à recevoir des informations