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non-seulement une sensibilité rudimentaire, mais de la conscience et de la volonté, parfois même de l’intelligence. L’automatisme n’est donc pas primitif, comme on l’a cru longtemps, mais dérivé : il est de la conscience paralysée.

Concluons que, dans l’animal, il n’est aucune partie qui n’ait quelque vie mentale en même temps que physique. Il y a partout, dans les corps organisés, des sensations et appétitions plus ou moins rudimentaires, des élémens d’états de conscience plus ou moins diffus et nébuleux. Les organes importans du système nerveux sont des concentrations de la vie sensitive et appétitive ; le cerveau n’est qu’une concentration encore plus puissante, où la sensation devient idée, l’appétition volonté, et où la vie enfin prend conscience de soi.


II.

Puisque tout sent en nous, diront les partisans de l’inconscient, comment expliquer les cas d’apparente inconscience, où notre moi ne saisit plus rien? — Nous l’avons dit ; de trois manières. Dans le premier cas, si notre moi n’aperçoit point ce qui se passe en nous, c’est que la conscience devient trop faible et trop indistincte; dans le second cas, c’est qu’une partie du cerveau ou de la moelle épinière prend pour elle la fonction mentale ; dans le troisième cas, c’est qu’un autre moi tend à s’organiser aux dépens du moi central, qui se désorganise. Examinons successivement ces trois phénomènes : diminution, déplacement, désintégration de la conscience.

D’intéressantes expériences ont montré que, si on diminue l’intensité de la lumière, toutes les couleurs, à l’exception du rouge spectral, donnent place tôt ou tard à un simple gris sans couleur distincte. Outre une certaine intensité, une certaine durée est nécessaire pour produire la sensation d’une couleur déterminée : le spectre solaire, vu instantanément, n’apparaît pas de sept couleurs, mais seulement de deux, faiblement rouge du côté gauche, et bleu du côté droit. Il suffit donc de diminuer l’intensité et la durée d’une modification de la conscience ou de l’appétit vital pour diminuer par cela même sa qualité distinctive, c’est-à-dire la nuance qu’elle offre comme sensation, émotion ou impulsion ; elle tend alors à se fondre dans l’ensemble confus des autres modifications qui constitue le sens total de la vie. Nous sentons vaguement un milieu où nous sommes plongés et où, pour ainsi dire, nous nageons, mais comment discerner à part l’action