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La droite existait encore, au moins de nom. Depretis, par un long et patient travail, réussit à l’absorber dans sa majorité, avec les élémens les plus disparates de la gauche. Un seul lien devait cimenter l’union de ces hommes, hier encore d’opinions si différentes : la satisfaction des intérêts matériels qu’ils représentaient. Ce système reçut un nom, il fut appelé transformisme.

Au reste, Depretis promettait beaucoup et tenait le moins possible : un peu parce que toutes les ressources de l’État se trouvaient être insuffisantes en comparaison des convoitises qu’allumait le système transformiste ; un peu par calcul, sachant fort bien qu’il vaut mieux compter sur les intérêts des hommes que sur leur reconnaissance. On cite tel député qui attendit plusieurs années un ministère dont il avait la promesse, toujours au moment de l’atteindre, toujours remis au lendemain.

Pour faire approuver par la chambre les conventions des chemins de fer, Depretis promit deux mille kilomètres de nouvelles lignes. Il eut soin de les faire voter en bloc par le parlement, en laissant à une commission la charge de les répartir suivant les demandes qui en seraient faites. Ces demandes atteignirent le chiffre de six mille kilomètres ! Et Depretis sut de nouveau tirer parti de cette circonstance pour se créer des partisans, en faisant espérer son appui à chaque concurrent en particulier.

Pour obtenir le vote des députés napolitains, Depretis promit de faire exécuter entre Rome et Naples une nouvelle ligne de chemin de fer, fort inutile pour le pays. Pour une autre ligne, tout aussi inutile, celle d’Eboli-Reggio, laquelle traverse des contrées à peu près désertes, il y avait deux projets, et la majorité menaçait de se diviser sur cette question. Depretis vint à la chambre, annonçant en plaisantant qu’il ferait éclater une bombe. Et en effet, au milieu de la stupéfaction universelle, il propose et fait approuver qu’on construise les deux lignes ; contentant ainsi tout le monde... aux frais des contribuables.


I.

L’année 1887 vit le triomphe du système transformiste qui, tout en n’étant pas plus moral que celui tristement célèbre de Walpole, était bien plus coûteux; et en même temps elle vit se produire les premières difficultés financières qui en étaient la conséquence inévitable.

Depretis avait échoué avec son premier projet pour les conventions de chemins de fer, parce qu’il avait traité avec un seul groupe de banquiers. Mieux avisé une seconde fois, il sut y intéresser