Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

menace perpétuelle sur notre situation financière. Cet état de choses ne peut se prolonger, mais aucun des projets élaborés par le gouvernement ou par des commissions n’y remédiera, parce qu’on n’ose pas trancher dans le vif. Les caisses d’épargne doivent satisfaire à deux conditions essentielles, qui sont les bases mêmes de l’institution : sécurité absolue et disponibilité constante des dépôts. La première condition est assurée par la surveillance de l’État, et la seconde peut l’être si la responsabilité assumée ne dépasse pas certaines limites. Le mal est dans l’exagération des dépôts : on se flatte d’en diminuer le nombre et l’importance par des moyens détournés, tels que la réduction ou la graduation de l’intérêt ; mais on ne peut méconnaître que ces moyens grèveraient les caisses d’épargne de frais considérables ou frapperaient les petits déposans, les seuls intéressans. Il ne faut donc pas hésiter à limiter le maximum des dépôts exigibles à 500 francs, ou, provisoirement, à 1,000 francs, si l’on craint que la transition soit trop brusque. Il dépend de l’État de créer des titres de 3 francs de rente ; les obligations du Crédit foncier, de la ville de Paris et de beaucoup d’autres villes sont subdivisées en cinquièmes ; les déposans ne manqueraient donc pas de titres de tout repos et facilement réalisables pour le placement de leurs économies. Les versemens pourraient continuer jusqu’à 2,000 et même 3,000 francs, mais à la condition expresse que toute somme dépassant le maximum exigible serait transformée par la caisse des dépôts et consignations en un titre nominatif dont cette caisse serait seulement dépositaire. La caisse achèterait et vendrait gratuitement ces titres, choisis par le déposant sur une liste de valeurs sévèrement contrôlée ; elle en encaisserait les arrérages, qu’elle porterait au compte du titulaire. Elle rendrait, en un mot, aux déposans tous les services que les établissemens de crédit ordinaires rendent à leur clientèle. Lorsque les déposans auraient besoin d’argent au-delà du maximum qu’ils seraient autorisés à réclamer, ce serait à eux à demander la vente, à leurs risques et périls, de quelqu’un de leurs titres ; mais ni les caisses d’épargne ni l’État n’encourraient de ce chef aucune responsabilité. On ne peut laisser l’État sous le coup de demandes de remboursement pour plusieurs centaines de millions, et il n’y a pas d’autre moyen d’écarter les dangers qu’une pareille éventualité fait peser sur la fortune publique. Si l’État ne peut sans danger demeurer responsable des 3 ou 4 milliards versés par la caisse d’épargne, comment peut-on, raisonnablement, songer à lui imposer la gestion de la caisse universelle des retraites dont on projette l’établissement ? Les ouvriers ont témoigné, jusqu’ici, peu de goût pour les institutions de