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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/418

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l’opinion publique et qui, la lutte engagée, prit la direction des opérations militaires, qu’elle conserva jusqu’à la fin.

Elle débuta par des remontrances contre la brusque dissolution des chambres, qui n’avait permis, après le vote de la loi des recettes, ni celui du budget des dépenses, ni celui qui autorise la permanence de l’armée et de la flotte. Le président répondit le 1er janvier 1891 par un décret établissant le budget des dépenses, accroissant la solde de l’armée, proclamant l’état de siège, suspendant le droit de réunion et la liberté de la presse. C’était une mise en demeure péremptoire de se soumettre, ce fut le point de départ de la guerre civile.

Balmaceda ne pouvait s’illusionner sur la gravité et l’illégalité de ces mesures, mais il croyait, de bonne foi peut-être, ou affectait de croire, qu’il avait de son côté l’opinion publique. Il avait, à tout le moins, l’appui de l’armée dont il doublait la solde, dont les chefs gagnés par lui et appelés aux préfectures importantes lui garantissaient la fidélité ; il croyait à sa popularité, à ce puissant mouvement qui l’avait porté si haut ; il estimait peut-être aussi qu’il agissait au mieux des intérêts de son pays, qu’une réforme de la constitution s’imposait, qu’elle amènerait sa réélection et que son maintien au pouvoir assurerait la grandeur et la prospérité du Chili. Un second décret abrogeait en effet la loi d’amendement constitutionnel qui exigeait le vote de deux parlemens successifs ; il convoquait, pour le 19 mars, les électeurs à procéder à l’élection d’une assemblée constituante.

À ces décrets, la commission de surveillance répondit en déclarant le président incapable d’exercer ses fonctions, et délia la flotte et l’armée de leur serment d’obéissance. Une lettre du président de la chambre des députés et du vice-président du sénat mettait en outre les forces militaires et navales en demeure de protéger le lieu des séances de la commission. De l’armée, il n’y avait aucun concours à attendre, mais il n’en était pas de même de la flotte, qui, le 6 janvier, faisait défection, offrant un asile à la commission, convertie en junte de gouvernement, et aux chefs de l’opposition, qui s’embarquaient à Valparaiso et allaient bloquer les ports des provinces du nord.

Ces provinces constituent la principale source de richesse du Chili. Ces terres arides et brûlées, conquises sur le Pérou et la Bolivie, alimentent un grand commerce de minerais. L’exportation du port d’Iquique dépasse de 65 millions de francs celle de Valparaiso, et Pisagua même l’emporte de 30 millions, à la sortie, sur le grand port chilien. Toutefois, ces deux villes, situées à 1,500 kilomètres au nord de Santiago, la capitale, de Valparaiso