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par nous asseoir au pied de la montagne de la Table. On va donc voir quelles furent les origines de l’autonomie au Cap, et quelles en furent les conséquences.


II. — ORIGINES DE L’AUTONOMIE AU CAP.

On semble être quelquefois parti de l’idée qu’au lieu de plusieurs politiques coloniales, l’Angleterre en a une, et que cette politique l’emporte sur les autres en ne marchandant pas l’autonomie.

Or nous connaissons bien une méthode anglaise de se dérober aux charges de la possession et de chercher à en retenir les avantages, qu’il s’agisse de véritables colonies ou de simples conquêtes d’outre-mer. Elle aura sa place dans l’histoire de l’empire britannique ; mais on ne voit point en quoi elle intéresse les principes.

C’est évidemment la meilleure quand il n’y en a plus d’autre possible. C’est la pire tant qu’on peut conserver l’espoir, l’ombre d’un espoir de vivre avec une contraire, — à la seule condition de savoir tirer parti de ce qu’on possède et de ne pas en garder que les charges.

Ne confondons pas, d’ailleurs, l’autonomie et les autonomies. On découvre aisément des autonomies coloniales nécessaires ; l’autonomie, pour ceux qui la donnent comme pour ceux qui la reçoivent, peut produire de bien fâcheux effets si les premiers sont amis de leur repos et les seconds faibles.

Il y a 7 degrés géographiques entre Marseille et Alger, 84 entre Plymouth et Cape-Town. Sept degrés ! Cela suffit pour qu’un dossier algérien ne gagne pas toujours à être annoté en France. Cela suffit malgré les câbles sous-marins, les paquebots rapides, le continuel va-et-vient d’hommes politiques et de fonctionnaires. Quatre-vingt-quatre, il n’en fallut pas davantage pour faire prodiguer par une métropole, en fautes administratives, de quoi perdre vingt colonies.

Mais abandonner sous prétexte d’émancipation et ne pas aller jusqu’au bout de cet abandon ; retirer d’un seul coup sa protection militaire et son appui financier ; ne laisser qu’un pavillon hissé à mi-mât ; compromettre son prestige par son économie, l’indépendance d’autrui par la liberté de périr ; donner à un tiers l’idée fort naturelle de ramasser dans les décombres de ce prestige et dans les matériaux de cette indépendance ce que les uns ne veulent pas défendre, ce que les autres ne peuvent pas mettre en œuvre : si c’est une politique coloniale anglaise, et nous le croyons, voilà celle dont ne s’accommoderait aucun Algérien.

Certes, l’Algérie est en droit de souhaiter certaines coudées hanches. Qu’elle cherche au Canada, au Cap, en Australie surtout ses